jeudi 9 février 2012

Luc Sante, The factory of facts ( La fabrique des faits).

Luc Sante, d'abord. Un inconnu ou quasi en France - deux opus  traduits seulement- pourtant un rapide détour par le net m'apprend qu'il est l'un des contributeurs à la prestigieuse New York Review of Books et qu'il est l'auteur d'un livre remarqué - Low Life- qui devrait être adapté prochainement; qu'il est copain avec Jarmusch et que son article sur Patti Smith est salué par la presse américaine etc...
Tout cela, j'étais loin d'en avoir connaissance lorsque j'ai fait l'acquisition de L'effet des faits, occasion cheap à Gibert, voici quelques jours . Outre mon intérêt pour la collection d'Actes Sud intitulée Un endroit où aller, le texte en quatrième de couverture m'a intriguée suffisamment pour que je lise les premières lignes, dont on sait qu'elles sont, à quelques exceptions près ( mais lesquelles!) déterminantes. Et de lire sur place le premier chapitre, en bonne part déroutée et captivée par l'effet  miroir de l'ouverture. Sous les auspices du "overseas blues" en exergue, le motif initial -"Je suis né en 1954 à Verviers"- repris une dizaine de fois offre une surface de dépliement à des récits divers,sombres ( il s'agit de difficultés économiques, de fermetures d'usines, d'émigration, de déracinement...) et totalement séduisants... Leur véracité? peu importe -tout est vrai puisque Luc Sante l'a inventé. Seul ce que l'on m'impose de faire ici m'intéresse: considérer un départ sous l'angle de ses possibles, ses implications et ses étrangetés, envisager ce qu'il dégage comme lignes (la séparation, la fuite, l'aventure mais aussi la nostalgie), comme partitions.

Dehors il gèle, l'humeur et le temps me portent déjà vers les terres du nord, la Belgique que j'aime, bref là où se tient en partie le texte de Luc Sante, bien qu'il soit à la croisée de plusieurs  géographies, territoriales, personnelles, linguistiques et, bien sûr, culturelles.

Autobiographie, enquête, visitation de ce qui, au delà de la perte (l'enfance) subsiste en nous vivants (l'enfance), la dimension géologique, archéologique, de ce texte   m'a enchantée, et m'a évoqué un livre d'Alain Corbin,("Le monde retrouvé de François-Louis Pinagot"), lu il y a quelques années. Ici point de forêts; plutôt des villes industrielles. 
Au premier plan, une famille tentant un ailleurs, maladroitement, sans l'aplomb ni l'audace que l'on trouve si souvent retravaillés par la mythologie pionnière, et ne parvenant à exister, mal, que dans un seul "entre-deux" -le fameux in-between- au gré des allers-retours entre deux continents.

Depuis, Luc Sante a choisi de vivre aux Etats-Unis; il a choisi l'anglais "tout neuf,ce n'était pas la langue de mes parents, c'était la langue de Robert Louis Stevenson";il a choisi, et ce n'est pas un hasard, d'écrire sur les résonnances du passé, sur la disparition; il est devenu, presqu'inévitablement historien de la photographie... 

Faut-il parler ici de la mélancolie, la tristesse et la méticulosité de son écriture (la peinture de la  région natale de ses parents, le retour sur le quotidien ouvrier ou paysan des membres de sa famille via les lieux, les objets modestes, son goût pour l'infra-ordinaire)? De biais, d'une manière très personnelle - intime presque-, Luc Sante a "bâti" une architecture où circulent émotions, éléments de réflexion (l'incommodité langagière de son bilinguisme), à partir de photographies anciennes, de fragments d'archives familiales,de souvenirs.


Il sera à Paris au mois d'avril, à Beaubourg, pour évoquer le statut de la  carte postale comme documentation populaire... Pour ma part, j'essayerai d'en être; en attendant, "Lost City" est toujours disponible chez l'éditeur... 

Une fois n'est pas coutume... pas d'extrait mais allez jeter un oeil par ici: online.wsj.com/article/SB121217626838633437.html

Luc Sante, L'effet des faits, Actes Sud, Babel, Paris, 1999.









2 commentaires:

  1. Coucou Persona !
    Un grand plaisir de t'avoir rencontrée hier, je "feuillette" ton blog avec ébahissement : que d'auteurs jamais lus et dont je n'ai, pour la plupart, jamais entendu parler ! Je vais butiner ici et là avec grand intérêt.
    A très vite !
    nemo

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  2. merci à toi Nemo; le plaisir fut partagé; j'ai passé une soirée très agréable; pour ce qui, est des textes bonne lecture, à partager; en attendant de se revoir j'espère! ciao, à très bientôt...

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