tag:blogger.com,1999:blog-61726185221446971012024-03-19T15:19:15.315+01:00 SONTAG &I _ lecturesPersonahttp://www.blogger.com/profile/10184821360923826222noreply@blogger.comBlogger179125tag:blogger.com,1999:blog-6172618522144697101.post-89322830832367431312024-02-14T16:55:00.004+01:002024-03-19T14:55:38.241+01:00<p style="text-align: justify;"><span> </span> </p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh9UcZCQEIecSqS0TSNVoJHtFOK9VOITExhO3bx5e9lYcDC809aQHnr9DWEe6l893DzIktD41dH1LUIXXyJhCOFlwtF-mZjUAkZvwvJgkVCswzUHV3bQk19DeEDbUHMAK-InDUJRFSUwp7wWdTGamxEORC8e0e0Yc8e0og0wNyu8gl-VtPvuwhbL0ULHe0/s602/IMG_8957.jpg" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="519" data-original-width="602" height="276" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh9UcZCQEIecSqS0TSNVoJHtFOK9VOITExhO3bx5e9lYcDC809aQHnr9DWEe6l893DzIktD41dH1LUIXXyJhCOFlwtF-mZjUAkZvwvJgkVCswzUHV3bQk19DeEDbUHMAK-InDUJRFSUwp7wWdTGamxEORC8e0e0Yc8e0og0wNyu8gl-VtPvuwhbL0ULHe0/s320/IMG_8957.jpg" width="320" /></a></div><span style="font-family: courier;"><span> </span>"C'est l'histoire d'une maison.(...) Baba, notre grand-mère, a fait de cette maison un espace de vie. Elle était convaincue que notre manière de vivre était modelée par les objets, par notre manière de les regarder, par la manière dont ils étaient placés autour de nous. Elle était convaincue que nous étions façonnés par l'espace. Elle m'a appris l'esthétique, le désir ardent de beauté qui, selon elle, est l'engouement du coeur qui donne corps à notre passion. Couturière spécialisée dans la confection de courtepointes, elle m'a appris plein de choses sur la couleur. Sa maison est un lieu où j'apprends à regarder les choses, où j'apprends comment trouver ma place dans l'espace. Dans les pièces emplies d'objets, encombrées d'affaires, j'apprends à me reconnaître. Elle me tend un miroir et me montre comment regarder. La couleur du vin qu'elle avait servi dans mon gobelet, la beauté du quotidien. Entourée de champs de tabac, les feuilles nattées comme des cheveux, séchées et suspendues, des cercles infinis de fumée emplissent l'air. (...) Regarde, me dit-elle, ce que la lumière fait à la couleur! Tu crois que l'espace peut donner la vie, ou la prendre, que l'espace a du pouvoir? Ce sont là les questions qu'elle pose et qui m'effraient.</span><p></p><p style="text-align: justify;"></p><span style="font-family: courier;"> Baba meurt vieille, dans un monde où elle ne trouvait plus sa place. Son enterrement est aussi un endroit où voir les choses, où me reconnaître. Comment puis-je être triste face à la mort, alors que je suis entourée de tant de beauté? Cachée dans un champ de tulipes, la mort arbore mon visage et appelle mon nom. Baba peut les faire pousser. Rouges et jaunes, elles entourent mon corps comme des amant.e.s en pâmoison, des tulipes partout. Ici, une âme enflammée de beauté brûle et passe, une âme touchée par les flammes. Nous la voyons s'en aller. Elle m'a appris à regarder le monde et à en voir la beauté. Elle m'a appris que "nous devons apprendre à voir."</span><p></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: courier;">Cultiver l'appartenance, bell hooks, traduite par Noémie Grunenwald, Cambourakis éditions, 2023</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: courier;">Photographie: The Haystack,</span><span style="font-family: courier;">William Henry Fox</span><span style="font-family: courier;"> Talbot,1844.</span><br /></p>Personahttp://www.blogger.com/profile/10184821360923826222noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-6172618522144697101.post-79966800012958776542017-10-19T18:15:00.001+02:002017-10-20T06:43:26.494+02:00TRANSPARENCES<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
</div>
<div style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;">
<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;"><br /></span> <img alt="https://d7hftxdivxxvm.cloudfront.net/?resize_to=fit&width=350&height=233&quality=95&src=https%3A%2F%2Fd32dm0rphc51dk.cloudfront.net%2FpWnIP_RProdOSqs8e3dpeQ%2Flarge.jpg" height="266" src="https://d7hftxdivxxvm.cloudfront.net/?resize_to=fit&width=350&height=233&quality=95&src=https%3A%2F%2Fd32dm0rphc51dk.cloudfront.net%2FpWnIP_RProdOSqs8e3dpeQ%2Flarge.jpg" width="400" /> </div>
<br />
<br />
<br />
<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">A rebours des modes et des consécrations se tiennent quelques textes et leurs auteurs, oubliés ou mal connus, pas toujours réédités, pas toujours faciles à trouver, si ce n'est au terme d'une recherche obstinée. Obsédante parfois. </span><br />
<br />
<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">L'image s'impose d'une peau de chagrin aussi, puisque, au fil des années, les (dé)goûts se précisent, formant d'étranges concrétions auxquelles </span><span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">on sait pouvoir </span><span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">soumettre sans craindre d'entame un regard tout à la fois inédit et familier. </span><br />
<br />
<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">C'est une forme douce et réconfortante de satisfaction, la certitude qu'en parcourant certaines pages on en remontera - alors que temporalités et circonstances s'avèrent dissemblables - des forces profondes, oui, tirées des profondeurs de la mémoire, et écumées au filtre de la relecture et de l'expérience, peut-être pour la dernière fois. </span><br />
<br />
<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">Quelques-uns des livres ci -dessous ont cette puissance: leur constance. Leur force d'étonnement. Rares, précieux au-delà de toute démonstration - intimement. </span><br />
<br />
<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">Les saisons, Maurice Pons</span><br />
<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">Requiem, Anna Akhmatova</span><br />
<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">Crépuscule d'automne, Julio Cortazar</span><br />
<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">Oeuvres poétiques, Alejandra Pizarnik</span><br />
<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">Laissez-moi ma solitude, Une représentation à l'asile, Anna Kavan</span><br />
<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">En bas, Leonora Carrington</span><br />
<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">Mes bibliothèques, V.Chalamov</span><br />
<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">Lettres aux amies ( Avec yamour, Emily, recueil paru chez José Corti), Emily Dickinson</span><br />
<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">Les fruits étranges et brillants de l'art, Virginia Woolf </span><br />
<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">Le magasin de jouets magique, Love, Le théâtre des perceptions, Les nuits au cirque, Angela Carter</span><br />
<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">Poèmes, Malcom Lowry</span><br />
<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">Les romans de Francesco Biamonti traduits par François Maspero </span><br />
<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">Le tigre-absence, Cristina Campo </span><br />
<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">Vacances à maison blanche, Unica Zürn</span><br />
<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">Les sables de la mer,John Cowper Powys</span><br />
<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">Histoire d'une vie, Elias Canetti</span><br />
<br />
<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;"><br /></span>
<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">Photographie: Y.Sevincli</span><br />
<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;"><br /></span>
<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;"> </span><br />
<br />
<br />
<br />
<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;"><br /></span>
<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;"> </span><br />
<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;"><br /></span>
</div>
Personahttp://www.blogger.com/profile/10184821360923826222noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-6172618522144697101.post-82428149728240703622017-01-16T22:22:00.000+01:002017-01-16T22:22:02.635+01:00VICTOR SERGE / L'affaire Toulaev<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on">
<div style="text-align: justify;">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhJlGslc1z5hwmPc30IRVdVoAQZJ4-jpo2iadl2dHD8nt0kp7MTaXtIgbVSFhcJ1nG59460MN_6-NZuRQPQkQVAkGdRkP7dO6SDQsEVhrsN_7aGB7xfJOs6RKuTFXZLIkQo10CSf-4-fVM/s1600/Jeunes-du-Comsomol.jpeg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="424" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhJlGslc1z5hwmPc30IRVdVoAQZJ4-jpo2iadl2dHD8nt0kp7MTaXtIgbVSFhcJ1nG59460MN_6-NZuRQPQkQVAkGdRkP7dO6SDQsEVhrsN_7aGB7xfJOs6RKuTFXZLIkQo10CSf-4-fVM/s640/Jeunes-du-Comsomol.jpeg" width="640" /></a></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<b><span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">"<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;"><span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;"> </span>T</span>out le mal vient de ce que l'on pense, ou plutôt de ce qu'il y a en vous un être qui pense à votre insu puis tout à coup émet dans le silence du cerveau une petite phrase acide, insupportable, après laquelle on ne peut plus vivre comme auparavant. "</span></b></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
</div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;"><b>Victor Serge, L'affaire Toulaev,</b></span><span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;"><b><span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">préface</span> de Susan Sontag, </b></span><span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;"><b>Zones, éditions La Découverte, Paris 2009. </b></span><span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;"><b><a href="http://www.editions-zones.fr/spip.php?page=lyberplayer&id_article=104">Par ici...</a></b></span><br />
<br />
<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;"><b><br /></b></span></div>
</div>
Personahttp://www.blogger.com/profile/10184821360923826222noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-6172618522144697101.post-44436982889309912292015-11-05T16:51:00.000+01:002015-11-05T16:51:13.817+01:00LAURE / Histoire d'une petite fille ( extrait)<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
</div>
<br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgjpZzxBDbFdrA-3vD1BzI-HO-AZiPhxsjuHXx88pQMZg0nWAg2oRZszJ3mAX_B2Gkw2biZSptmux2nbr5Bpit8M-CsRML_jLfL8t1xjRajG7jx6UEHuZuTj8P5ej33BJO14ye4zWRInPk/s1600/FullSizeRender.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="400" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgjpZzxBDbFdrA-3vD1BzI-HO-AZiPhxsjuHXx88pQMZg0nWAg2oRZszJ3mAX_B2Gkw2biZSptmux2nbr5Bpit8M-CsRML_jLfL8t1xjRajG7jx6UEHuZuTj8P5ej33BJO14ye4zWRInPk/s400/FullSizeRender.jpg" width="361" /></a></div>
<br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><b>Je me plongeais dans la musique puis m'en détachais subitement, notant sur mon cahier: "pas plus valable que la drogue pour les drogués"; je me rendais très bien compte qu'à passer des semaines entières de Bach à Debussy, de Schumann à Ravel, de Rameau à Manuel de Falla, de Mozart à Stravinski, je ne faisais que changer de drogue et que rien n'était <i>vrai </i>dans ma vie. Il en était de même des lectures. "Viendra-t-il ce temps de la <i>réalité</i>?" Il faudrait une réalité à mon image, mais quelle est mon image? Je me retrouve en tant de contradictions et il faudrait que ma vie "monte" comme une fugue de Bach: un motif central qui s'amplifie, s'enrichit sans cesse, rencontre, s'assimile, rejette et puis demeure à la fois intact et changé. "</b></span><br />
<br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><b><br /></b></span>
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><b><a href="http://sontagetmoi.blogspot.fr/2013/04/laure-une-rupture-1934.html">Laure</a>, Histoire d'une petite fille, page 37, <a href="http://www.chemindefer.org/">Les éditions du Chemin de fer</a>, collection Cheval vapeur, 2015.</b></span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><b>Photographie: Colette Peignot.</b></span><br />
<br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><br /></span>
<br />
<br />
<br /></div>
Personahttp://www.blogger.com/profile/10184821360923826222noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-6172618522144697101.post-33697424077138061842015-11-04T20:11:00.000+01:002015-11-04T20:11:52.320+01:00JOHN BERGER / King & De A à X<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on">
<br />
<br />
<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;"></span><span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;"><span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgVTuLlR2UdnANQPfcNdVP0Cju2aS2PvNYt4nRMmO0bgRFBSmy7y5AOM6wTQ0jou5_kbOejQxOxuEPk4RLaqbvY0tXMC2XnNmK2RRuXacJhUS3WPisOFvS5vJPmPzI93DcuoTOSuf_iSz0/s1600/9788425227929.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgVTuLlR2UdnANQPfcNdVP0Cju2aS2PvNYt4nRMmO0bgRFBSmy7y5AOM6wTQ0jou5_kbOejQxOxuEPk4RLaqbvY0tXMC2XnNmK2RRuXacJhUS3WPisOFvS5vJPmPzI93DcuoTOSuf_iSz0/s1600/9788425227929.jpg" /></a> John
Berger a fait il y a déjà longtemps le choix de concentrer son travail
d'écriture sur les déshérités, les inaudibles, ceux que vomissent
dans des marges sales tant les villes gigantesques vouées à la
représentation de la réussite et de l'ordre que d'autres territoires
ambigus, littéralement exhumés par les guerres ou les situations de
crises paroxystiques. Pas très loin de Volodine, de Bassmann... sans
qu'on retrouve pourtant dans ses textes le lyrisme, les litanies et les
scansions sauvages de ces deux-là. Ici la phrase est placide,
faussement. L'os du réel affleure déjà.<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;"> Il suffit</span>.</span>Ainsi
dans les deux livres qui nous occupent,<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;"> étrangement beaux</span>, Berger donne
le seul point de vue qui l'intéresse encore dans la fiction, celui de <span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">personnages</span> dont personne ne semble plus vouloir...</span><br />
<br />
<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;"><span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">D</span>evenir moderne de Flush, le texte précieux que Virginia Woolf a
consacré au chien de la poétesse Elizabeth Barret, bientôt Browning<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">, King est</span> surtout son pendant misérable. <span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">Q</span>uand le <span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">prem<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">ier</span>,</span> choyé, se heurtait au monde des humains
dans l<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">e<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;"> cadre étroit, empoussiéré,</span></span> d<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">'une grande</span> <span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">demeure</span> victorienne, témoin privilégié
des </span><span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">commencements </span><span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;"><span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">d'</span>une histoire d'amour, le <span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">chien de Berger</span> est un<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">e créature</span> vagabonde, qui s'attache à deux êtres perdus, lâchés par la vie ordinaire. Un couple de clochards, réfugiés dans les replis d'un terrain vague aux abords d'une grande ville d'Italie ( A quelques indices résiduels, on <span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">pourrait entrevoir</span> Rome , encore que Scappanapoli,<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;"><span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">avec ses venelles crasses...</span></span>)<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">et</span> qui s'abrite sous la structure en carton peint</span> <span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">de ce qui devient une "hutte" précaire et provisoire, bientôt soufflée par les bulldozers.</span><br />
<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;"></span><span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">Un erzatz de foyer, de famille<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">, narré</span> à la première personne, celle qui, de la manière la plus simple, la plus évidente, nous engage totalement à <span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">embrasser</span> la perspective -et celle-là seule- d'aut<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">rui</span>. Le chien comme témoin de ce que <span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">savent </span>s'inflige<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">r</span> les hommes.</span><br />
<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">Oublier le passé, s'en tenir -"s'accrocher"- à l'heure à venir... <span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">D</span>ifficile et nécessaire programme lorsqu'on n'a plus rien. Et qu'il n'y a décidément rien à attendre<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">,</span> rien à redouter que <span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;"><span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">l'anéantissement</span>.</span></span><br />
<br />
<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;"><b>" La haine que les forts montrent aux faibles aussitôt que ceux-ci s'en approchent de trop près est propre aux humains; elle n'existe pas chez les animaux. Chez les hommes, il y a toujours une distance à respecter.Si l'on ne la tient pas, ce sont les forts, pas les faibles, qui s'en offensent - et de l'offense naît la haine."</b></span><br />
<br />
<br />
<br />
<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;"> Autre récit, autre forme<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">.</span> A. écrit à X., son amant maintenu depuis si longte<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">mps </span>en détention dans une cellule de la prison de Suze. Ce couple, il se construit sous nos yeux, ou, pour engager le sens le plus juste ici, à voix nue. <i> </i></span><br />
<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;"><i>Elle</i> -écrit, rapporte, petits faits, réflexions, souvenirs. <i>Lui </i>laisse <span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">s'épancher</span> ses commentaires, sans rapport direct avec le contenu de chaque lettre. Des bribes. Des silences avant tout. Qui en livrent tant sur <span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">ce qui l'a conduit dans cette cellule</span> et sur l'état du monde<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">, hors fiction</span>... Leurs paroles<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;"> sont</span></span><span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;"> <span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">e</span>nchâssées - dans l'édition française- entre deux portraits du Fayoum<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">, deux temps</span></span><span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">,<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;"> deux formes de représentations<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;"> <span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;"><span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">ayant en commun cette fausse fragilité du papyrus, support<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;"> <span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">de l'écriture comme de la peinture</span></span>. Elles</span></span></span></span> vol<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">e</span>nt de l'une à l'autre<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">, portées par notre souffle, notre regard aveugle<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">, elles </span>c</span>ogn<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">e</span>nt contre les parois de l'histoire, et laiss<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">e</span>nt entendre la possibilité de la disparition, l'oubli<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;"> terrible sauf à l<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">e dire<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;"> ou</span> le peindre.</span></span></span><br />
<br />
<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;"><span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;"><span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;"><b>John Berger, <span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">King, L'Oliv<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">ier,<span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;"><span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;"> petite bibliothèque, <span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">2002</span></span> <span style="font-family: "courier new" , "courier" , monospace;">/ De A à X,</span> L'Olivier, 2009.</span></span></span></b> </span></span></span><br />
<br /></div>
Personahttp://www.blogger.com/profile/10184821360923826222noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-6172618522144697101.post-26525158080038611942015-10-30T12:31:00.002+01:002015-10-30T15:26:20.981+01:00GREGOR VON REZZORI / Le Cygne<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
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<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg4LPMir3RgULTtWNzrOl6BLSAoza6ldRMuNevfokZTa6B_neJzOaTRrlsFLI0ADWJVWz-Y8MMlEVOaLIRwn7Xg-QUkyRYV926DWGDdw616sCyf_9c5N-_UAOlYJDVC_pVblYLoM5Rdxao/s1600/hermana.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg4LPMir3RgULTtWNzrOl6BLSAoza6ldRMuNevfokZTa6B_neJzOaTRrlsFLI0ADWJVWz-Y8MMlEVOaLIRwn7Xg-QUkyRYV926DWGDdw616sCyf_9c5N-_UAOlYJDVC_pVblYLoM5Rdxao/s320/hermana.jpg" width="218" /></a></div>
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">Gregor Von Rezzori a quelque chose d'un prestidigitateur capable, le temps de quelques pages, de retrouver temps perdu de l'enfance et géographie mouvante d'un pays disparu, la magnifique Bucovine - terre d'origine, entre autres, de Paul Celan et Aharon Appelfeld. Ce territoire d'une enfance</span><span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><b> "écoulée parmi des hommes socialement dé-rangés de leur position originelle, dans une époque historiquement dé-rangée" </b>et narrée dans le superbe <i>Neiges d'antan </i>n'est rien moins qu'un fascinant </span><span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">palimpseste:</span><span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"> turc au XVIè siècle, il devint autrichien au XVIIIè, roumain et soviétique au XXè (deux fois!) avant de constituer une région de la République d'Ukraine depuis 1991...</span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><br /></span>
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><b> </b>Ainsi la perte, le désordre, l'exil perpétuel, parce qu'intérieur et "historicisé"<b>, </b>habitent mélancoliquement l'oeuvre de Von Rezzori.<b> </b></span><br />
<br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><b>"Nous grandîmes dans le mythe d'une réalité ancienne, merveilleuse et perdue. En ce temps-là, nous étions déjà ce que sont devenus plus tard, après 1945, des centaines de milliers d'Européens: des fugitifs, des réfugiés, poussière dans le vent du temps."</b> </span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"> </span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">Il se pourrait donc bien qu'ayant connu les "deux phases du suicide de l'Europe" l'auteur ne se contente pas, </span><span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">dans ce très court récit</span><span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">, de raconter de familiales retrouvailles autour des funérailles d'un oncle, à travers le regard acéré d'un jeune adolescent revenu de lieux plus amènes que la vieille demeure qui sert de décor à la nouvelle... Ce fief familial se tient aux confins de l'Europe, sur un de ces territoires perdus, dé-nommés par l'Histoire, et acculturés au gré des revirements stratégiques et guerriers du vingtième siècle. </span><br />
<br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">Autour d'un trou creusé pour y descendre la dépouille de l'oncle,et dedans lors d'une scène de séduction pathétique vont se nouer, via la conscience du narrateur qui fut ce jeune garçon, les fils répugnants de la mort, figurée par une mouche vrombissante qu'il intercepte autour du cadavre exposé et ceux des désirs troubles, irrépressibles et irrésolus en même temps du désir, de l'éveil à la sexualité, obsédé qu'il est par la métamorphose de sa soeur en jeune femme. Plus tard la tentative de séduction sur une jeune paysanne, épisode révélateur de sa conscience de classe, de l'acceptation de la brutalité au service de sa propre satisfaction constituera le point d'orgue du récit, heureusement tenue en échec par un retournement de situation, l'irruption insolente de jeunes enfants qui le ridiculisent publiquement et lui imposent un départ sans retour, condition incontournable de la transformation en <i>légende</i>, transfiguration préalable à l'écriture.</span><br />
<br />
<b><span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">Extrait:</span></b><br />
<br />
<b><span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">" Il n'y avait pas de rideaux aux fenêtres, mais à travers les fentes larges comme un doigt des volets fermés, dont le bois vert à l'extérieur était passé et le blanc à l'intérieur jauni depuis longtemps, la lumière du soleil pénétrait en rais obliques d'une intensité presque palpable pour se fixer, immobile, sur des carrés de lumière superposés, dont les bases étroites dessinaient des zébrures sur le sol.</span></b><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><b>Ils se déplaçaient avec les heures, qui ne comptaient guère ici, comme les aiguilles d'un temps dont notre maison était sortie, une maison devenue étrangère qui n'était plus la nôtre. D'un pas incompréhensible qui nous devançait, elle était entrée dans une autre dimension du temps, dans un espace-temps au-delà de celui que l'on peut mesurer chaque jour, et nous aussi nous en faisions partie d'une manière étrange, sans toutefois y avoir part dans le présent de notre corps. Seul un écho de nous y était présent, quelque chose qui s'en était détaché; nous y vivions également, quoique de façon abstraite, c'est-à-dire sous la forme d'une légende. C'est sous celle des êtres de notre enfance, que nous avions quittée, ou celle de notre propre souvenir de nous-mêmes, que nous appartenions encore à cette maison, de même que notre oncle Sergueï, qui était mort à présent et s'était de la sorte définitivement transformé en légende, peu importait qu'il fût là dans la pièce voisine encore très présent et ne dût être enterré que le lendemain pour se décomposer lentement dans la terre jusqu'à n'être plus qu'un souvenir littéraire, un personnage tiré de nos récits." </b></span><br />
<br />
<b><span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">Gregor Von Rezzori, Le Cygne, Editions du Rocher, 2006.</span></b><br />
<b><span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">Photographie, la soeur de Rezzori.</span></b></div>
Personahttp://www.blogger.com/profile/10184821360923826222noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-6172618522144697101.post-42700997074216601172015-10-17T16:54:00.000+02:002015-10-17T17:12:46.432+02:00JOYCE JOHNSON / In the night café (Le café de la nuit)<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on">
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<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj8m6R4pJjXkCNLuua9Bq6aKa-aPDZFY9libuySKrJ8bvvIaY_BbiwYdsiXHqRK6z5m9vkJFCRZHsJY-zrpy_4I-0b1eTfSmiZCLnblBTRvPsJr46lo3CDUBNxMfVcGy0Ewj-xiR_lDUOM/s1600/download.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj8m6R4pJjXkCNLuua9Bq6aKa-aPDZFY9libuySKrJ8bvvIaY_BbiwYdsiXHqRK6z5m9vkJFCRZHsJY-zrpy_4I-0b1eTfSmiZCLnblBTRvPsJr46lo3CDUBNxMfVcGy0Ewj-xiR_lDUOM/s320/download.jpg" width="278" /></a></div>
<br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">Immobilisée pendant de longs jours j'ai mis à sac une pile de livres vaguement feuilletés, parmi lesquels trois récits, fort différents dans leur origine, leur trame ou leur univers sont entrés en résonance du fait de cette lecture rapprochée et, peut-être, des circonstances de leur découverte. </span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">Deux d'entre eux sont portés par des voix masculines, des structures puissantes, maîtrisées, y compris dans les tremblements de la fiction: vieillesse, deuil, culpabilité se mêlent aux souvenirs d'une rencontre amoureuse au pays de Karen Blixen dans le Wallace Stegner," Vue cavalière" (chez Phoebus) et ce sont les propres journaux du protagoniste lus quotidiennement, vespéralement, à son épouse, qui permettent au couple d'affronter la mort imminente d'un de leurs amis dans le même temps qu'ils font retour sur un fragment de leur passé - un voyage au Danemark conçu pour tenir à distance la mort accidentelle de leur fils tout en revenant sur le territoire originel de la mère du narrateur. </span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">Au cours de ce déplacement, ils rencontrent une femme étrange, solitaire, fille d'aristocrates apparentés à Isaac Dinesen (qui fait une apparition inoubliable) et théoriciens -mais-pas-que eugénistes, dont la condition d'épouse d'un collaborateur notoire aurait permis la mise au ban. La double lecture, la nôtre et celle du protagoniste, devient le processus ritualisé et opérant, magique, qui rétablit les évènements du passé personnel dans une forme apte à soulager chacun du poids du non-dit, du secret amoureux et de la perte. </span><br />
<br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">L'autre opus est un roman de Leonardo Padura, au titre extrait d'un boléro oublié, </span><span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">"Brumes dans le passé"( chez Métaillié), </span><span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">chanté de la voix vénéneuse d'une beauté disparue. Toute une Havane trouble, luxueuse riviera aux nuits sans sommeil peuplées de riches américains, de trafiquants, politiques et gangsters de tout poil resurgit à l'occasion de la découverte hasardeuse d'une bibliothèque perdue. Au sein de milliers de volumes intouchés, époussetés depuis quarante ans sans que jamais leur ordonnancement ne soit entamé ( promesse faite au propriétaire exilé puis défunt) et celant d'inestimables trésors pour bibliophiles, un secret irrésistible, celui de la mort de Dolores del Rio. Il sera élucidé à coups de crimes crapuleux, aux accents mélancoliques d'un vieux boléro oublié ( la tristesse de ces chansons populaires, de ces voix habitées par ce qu'elles racontent ) et en parcourant secrètement ( ici c'est le lecteur qui a un peu d'avance sur l'enquêteur, lequel ne sera mis au fait qu'en dernier ressort) une liasse de lettres d'amour, désespérées.</span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><br /></span>
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">Pourtant, malgré la virtuosité, l'intelligence et le caractère achevé de ces deux livres, ma préférence va au roman oublié de Joyce Johnson.</span><br />
<br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">Une femme, jeune, pas vraiment assurée. Diffractés tout au long du récit, sans respecter tout à fait la chronologie, des morceaux de sa vie aux côtés d'un jeune peintre, Tom Murphy. Leur histoire (se) tient dans le New-York des années soixante, bien connu de Joyce Johnson qui reprend dans ce roman des motifs déjà présents dans </span><span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">"<a href="http://sontagetmoi.blogspot.fr/2012_05_01_archive.html">Personnages secondaires</a>", son beau récit autobiographique sur la
déflagration qu'avait constitué sa rencontre avec les membres de la Beat
Generation.</span><span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"> Réminiscences d'une description du café où les personnages se retrouvent après une soirée branchée, du portrait initial de l'épouse dure et vindicative de Tom, une prénommée Caroline (Cassady?), celle aussi du refus répété, profond de participer à la logique aliénante du travail salarié, ou du goût impérieux de l'errance, comme une fuite en avant... Sans omettre la dédicace adressée à Hettie Jones.</span><br />
<br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">Trois romans qui ont en commun une attention extrême portée à la voix narrative. Cependant dans les deux premiers, la fiction déconstruit, mine des personnages constitués comme des figures masculines fortes, reconnues socialement, "assises", tandis que chez Johnson, la faille est inaugurale et le mouvement, inverse.</span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">A l'opposé des deux héros solides confrontés malgré eux à des fractures intimes, des faiblesses que la trame romanesque expose, extirpe et les oblige à intégrer à leur expérience, Joanna, l'héroïne du "Café de la nuit" est d'emblée dans l'hésitation, le silence, et la soumission à un vague sentiment d'existence. Un ectoplasme, mis en forme, <i>accéléré</i> par sa rencontre amoureuse avec Tom et la découverte de sa peinture, apparentée au mouvement expressionniste abstrait.</span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">En affirmant la fragilité, la fêlure ( entendre <i>failure</i> pas très loin...) comme une différence positive, pleine d'espérance, Johnson engage des êtres "entiers" dans des voies - </span><span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">révolte, refus de plier à la suprématie de l'argent- </span><span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">qui auront raison d'eux, et en partie, de nous, puisqu'elles semblent désormais circonscrites au territoire fictionnel.</span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">Piégé depuis sa naissance, </span><span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">le personnage de Tom Murphy est l'avant-dernier avatar de trois générations nommées à l'identique, comme prédestinées à la même misère affective et sociale. Tôt mal-aimé de sa mère, abandonné à lui-même, il ne surmontera jamais la séparation d'avec son propre fils, imposée par sa femme et la famille de celle-ci - le père, potentat de Miami est une figure sadique digne d'une mauvaise série US, <b>"un homme qui avait toujours obtenu ce qu'il voulait"</b>. </span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">Joanna, elle, tente de s'émanciper de l'influence d'une mère pathétique qui l'a vouée au spectacle depuis son enfance, en la traînant à toutes sortes d'auditions susceptibles de s'accorder avec son âge ou son physique, à l'ombre d'un père fuyant, écrasé par un quotidien médiocre de photographe de mariages quand il se rêvait photographe tout court.</span><br />
<br />
<b><span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">"Dans un
sens, maman avait entièrement raison- sans elle le théâtre n'avait plus
l'air de trop bien marcher pour moi. Cela tenait à ce que j'avais appris
le jour où elle m'avait trouvé dansant si merveilleusement au son de la
radio dans le salon: il fallait se changer en quelque chose de spécial,
quelque chose de plus. Personne ne pouvait aimer ce que vous étiez en
réalité. Je faisais encore la tournée des bureaux des producteurs, mais
maman avait été le public pour lequel j'avais joué.</span></b><br />
<b><span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">Je
me revois encore, tournant, tournant, sur son tapis d'Orient rouge, ne
sentant plus rien, rien que la musique qui se déversait en moi. Et puis
tout d'un coup quelqu'un vous regarde et le fait d'être regardé change
tout." </span></b><br />
<b><span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><br /></span></b>
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">A coups de retours en arrière, puis de revirements sur des moments incandescents de sa relation amoureuse avec Tom, Joanna esquisse de manière très émouvante, parce qu'elle sonne juste, la figure hésitante de qui se tient au bord de ce monde rongé par le conformisme et l'ennui sans se leurrer sur les promesses d'un milieu artistique gangrené par la ronde de l'argent, des agents, du "marché"... Elle incarne aussi la "puissance de la douceur", une façon passive d'inflexibilité, qui accède à une libération personnelle après un long parcours ( dix-huit ans) et une réappropriation - elle devient une photographe reconnue. </span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">A l'image d'un de leurs compagnons de route qui prend le large sur un bateau qu'il a construit lui-même, sans vraiment l'achever et qui finit sur les berges de l'Hudson, pas très loin, mais comme nimbé d'une aura particulière, les deux personnages tentent de se frayer un chemin maladroit dans un espace géographique et mental si surligné, si rétréci que les tentatives qu'ils feront pour se plier aux mots d'ordre du temps ne peuvent qu'échouer -<b> " Les portés disparus ne meurent pas. Le temps gèle autour d'eux. Ils restent aussi jeunes, aussi inachevés que lorsqu'ils s'en sont allés."</b></span><br />
<br />
<br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><b>Joyce Johnson, Le café de la nuit, traduit par Benjamin Legrand, Sylvie Messinger éditeur, Paris, 1989. </b></span><br />
<br />
<br />
<br />
<br />
<div style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;">
</div>
</div>
Personahttp://www.blogger.com/profile/10184821360923826222noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-6172618522144697101.post-8057815895588062682015-10-07T21:38:00.001+02:002015-10-17T17:29:02.320+02:00JEAN ECHENOZ / Un an<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj-RFALKgfGEsTM4_1i3APA2o28knjEW40fSa5E5lBYWWXcF2Yw4b4Eooqjv-E9-PtECwcFZ-rtb1QnlaeVuoqgNnrf9H0wGH3eBBay7FqagZpdugHLncE5azSbEXWbqM4_DqfgesIn-Ac/s1600/Yusuf-Sevincli-02.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="425" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj-RFALKgfGEsTM4_1i3APA2o28knjEW40fSa5E5lBYWWXcF2Yw4b4Eooqjv-E9-PtECwcFZ-rtb1QnlaeVuoqgNnrf9H0wGH3eBBay7FqagZpdugHLncE5azSbEXWbqM4_DqfgesIn-Ac/s640/Yusuf-Sevincli-02.jpg" width="640" /></a></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
</div>
<br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"> L'art de la fugue ou comment entrer dans un récit lapidaire et troué qui narre, dans une écriture à la pointe sèche, une cavale haletante et déprimée. </span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><br /></span>
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">Une jeune femme s'affole un matin en découvrant le corps sans vie, apparemment, de son amant, dans son lit - elle se précipite hors de chez elle, hors de sa ville pour s'enfuir sur un coup de tête, prise de panique - le mort s'avère bientôt aussi vivant que vous et moi et elle - un autre homme, silhouette mystérieusement
familière surgit à intervalles réguliers et cet
homme s'avère le seul mort de l'histoire... </span><br />
<br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">Tout cela, ce tourbillon d'invraisemblances, de surimpressions parasites, forme comme une traîne de fils romancés jamais vraiment dévidés et tels une traîne derrière une comète ou une mariée de Duchamp ouatent la cavale de Victoire, au prénom dérisoire, d'une irréalité <i>acceptable,</i> parce que constituant le coeur du coeur de la fiction, donnée à lire comme telle. </span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><br /></span>
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">Un an c'est court... Et c'est ici le temps pris par une jeune femme pour se déprendre d'un réel qu'il est hors de question d'attaquer pour y entendre raison (aucune enquête policière à l'horizon du texte), un réel impitoyablement soumis à l'économie si l'on considère son basculement dans le hors-monde des "sans" domicile ni protection ni travail. Un an pour (s') abandonner. Un temps mort - entendre un temps hors les murs de soutènement de la vie ordinaire, un temps également privé de parole(s), au mutisme glaçant pendant quelques quatre-vingt pages. Pourquoi une ombre parlerait-elle? </span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><br /></span>
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">En une année, Victoire va dépenser - l'argent passe de mains en mains en liasses cinématographiquement bruissantes pendant une bonne partie du récit, accompagnant sa dégringolade - et elle <i>va se</i> dépenser, comme soumise à un lent processus de désintégration. Elle s'émousse d'un abri à un autre ( location, chambres d'hôtel, installations de fortune), faisant la route, arpentant les kilomètres et paradoxalement, prend corps.</span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><br /></span>
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">D'un côté, une mobilité, une "fluidité" mesurable à la quantité des transports auxquels Victoire soumet son corps ainsi qu'à la variété des moyens empruntés pour se mouvoir - trains,voiture, bicyclette, pied, voiture à nouveau en stop, trains. De l'autre, l'étroitesse du territoire parcouru. On pourrait parler d'une micro-errance, tant ce qui est quadrillé sans répit, zébré par ses va-et-viens désordonnés, désigne davantage la jeune femme comme une arête, une épine résistante avant qu'elle ne se fasse littéralement souffler par l'irruption de la police et un retour inopiné au point de départ. </span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><br /></span>
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">Bien qu'il ne soit pas utile de le savoir avant de le lire, <i>Un an</i> forme un diptyque avec le roman suivant, <i>Je m'en vais</i>, enroulé lui aussi autour de la thyrse d'un départ, de disparitions multiples et d'un retour. Il y est question, encore, de Victoire, du marchand d'art que l'on croyait mort, d'une imposture, et à l'exception d'une échappée dans les blancheurs polaires, les géographies des deux textes se répondent : paysage baigné de pluie d'un Sud-Ouest peu accort où les uns et les autres errent de côtes atlantiques en hôtels de province, pour finir dans de sinistres halls de gare... </span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><br /></span>
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">Entrevue dans un baillement de cette nouvelle fiction plutôt consacrée au marchand d'art, le fameux "corps mort", l'héroïne de <i>Un an</i> glisse ainsi d'un bord à l'autre de ces histoires, sans jamais devenir victime. Sans boursouflure, sans relief autre que ce devenir "apauvri" scruté le long d'une année. Une femme qui, cherchant à se perdre, loue un quelconque bungalow sur la côte basque. Volée et dupée par un jeune amant, elle erre, seule, dans la région, abandonnant l'un après l'autre ses ancrages, ses habitus, jusqu'à s'incarner dans le seul quotidien possible, celui d'une sans domicile, d'une femme du dehors, errante. On pense Duras, Henry James. Irrésistiblement... après la lecture des scènes où Victoire se trouve exposée au contact lumineux, photographique du mystérieux Louis-Philippe qui se révèlera n'être qu'une trace résiduelle du passé, un fantôme improbable, placé au coeur de ce voyage inquiet entre deux mondes.</span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><br /></span>
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><br /></span>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><b>Un An, Jean Echenoz, éditions de Minuit, Paris, 2014 (Collection"double").</b></span></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><b><br /></b></span></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><b>Image: Yusuf Sevincli ( Galerie Filles du Calvaire, Paris).</b></span></div>
<span style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;"><br /></span>
</div>
Personahttp://www.blogger.com/profile/10184821360923826222noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-6172618522144697101.post-9600396213273462812015-09-13T12:40:00.000+02:002015-09-13T12:40:56.551+02:00EDGARDO COZARINSKY / La fiancée d'Odessa - extrait<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
</div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjni6HDw6yD818-5vCDUOL7gsThGZBb0kmzI0p23SmbPjXoggFV1nlZrqKWaiOxlp12lHQag-lWLxn1f6BliUvHMISagFNPdTN3V27NPvARrhsR5z97Psm-d5Ge5f0YjUlvDCy_xaFmM8s/s1600/FullSizeRender.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="247" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjni6HDw6yD818-5vCDUOL7gsThGZBb0kmzI0p23SmbPjXoggFV1nlZrqKWaiOxlp12lHQag-lWLxn1f6BliUvHMISagFNPdTN3V27NPvARrhsR5z97Psm-d5Ge5f0YjUlvDCy_xaFmM8s/s400/FullSizeRender.jpg" width="400" /></a></div>
<br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><b> " Il est trop fatigué pour s'apitoyer sur lui-même. Son sentiment va à une personne sans visage, à cette Rifka Bronfman, la vraie, celle qui avait préféré la sécurité illusoire de sa famille et de ses amis. Si elle avait environ vingt ans en 1890, elle devait avoir dans les soixante-dix ans en 1941... </b></span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><b>Etait-elle morte à Babi Yar? Si elle vivait encore au moment de l'invasion allemande, saluée comme une libération du joug soviétique par la majorité des Ukrainiens, avait-elle été liquidée par un Einsatzgruppe de la Wehrmacht, par les SS ou par un groupe nationaliste, par ses voisins peut-être, si souriants, si aimables, et soudain ennemis, justiciers jaloux d'éradiquer la mauvaise herbe sémite du jardin de la patrie?</b></span><br />
<b><span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"> Il pense également qu'il n'a pas d'enfants, qu'il ne connaît pas les lointains enfants de tant de cousins dispersés dans différents pays, emportés par de nouveaux vents de rigueur ou de peur. Il se dit que personne ne lui demandera de comptes pour n'avoir pas transmis l'histoire. Pourtant, deux jours plus tard, il obéit à une impulsion qu'il ne saurait expliquer et il commence à l'écrire, sous forme de nouvelle. "</span></b><br />
<b><span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><br /></span></b>
<b><span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">Edgardo Cozarinsky, La fiancée d'Odessa, Actes Sud, "Le cabinet de lecture", 2002.</span></b><br />
<br />
<b><span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">Photographie: Martin Parr, Bad weather, 1982. </span></b><br />
<b><span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><br /></span></b>
<b><span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><br /></span></b></div>
Personahttp://www.blogger.com/profile/10184821360923826222noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-6172618522144697101.post-26761996979247030392015-08-10T23:17:00.000+02:002015-08-10T23:24:46.124+02:00CHRISTA WOLF / Scènes d'été - extrait<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhJJxXBHoZPjVXd5sBHcLz7o3XkGF9Cx2HIkRAOxTkLfd6HUBpKx56WSTsJNPGWfqK4rsFf5wFbtgPZAQYCJu2zIFoOtmGYDNMVVdYyuo3o3ULAA9j_dMSqD8IVtoMeJ7W7IDDJ4Q5jt44/s1600/die-sechste-reise-christa-wolf.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="225" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhJJxXBHoZPjVXd5sBHcLz7o3XkGF9Cx2HIkRAOxTkLfd6HUBpKx56WSTsJNPGWfqK4rsFf5wFbtgPZAQYCJu2zIFoOtmGYDNMVVdYyuo3o3ULAA9j_dMSqD8IVtoMeJ7W7IDDJ4Q5jt44/s400/die-sechste-reise-christa-wolf.jpg" width="400" /></a></div>
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><b> "Il y eut cet étrange été. Les journaux en parleraient plus tard comme de "l'été du siècle", pourtant d'autres étés lui succèderaient qui le surpasseraient encore (...). De cela nous ne savions rien. Ce que nous savions, c'est que nous voulions être ensemble. Il nous arrivait de nous demander quel souvenir nous garderions de ces années, ce que nous pourrions en dire à nous-mêmes et à d'autres. Mais jamais nous n'avons réellement cru que notre temps était compté. Maintenant que tout est fini, cette question-là aussi a trouvé sa réponse. Maintenant que Luisa est partie, que Bella nous a quittés pour toujours, que Steffie est morte, que les maisons sont détruites, le souvenir a repris le dessus sur la vie.</b></span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><b>Le destin ne l'a pas voulu.</b></span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><b> En ce temps-là - c'est ainsi que nous en parlons aujourd'hui - nous avons pleinement vécu. Lorsque nous nous demandons pourquoi cet été, dans notre souvenir, apparaît unique, et sans fin, il nous est difficile de trouver le ton neutre qui seul convient face aux phénomènes singuliers auxquels la vie nous expose. Le plus souvent, lorsque nous venons à parler de cet été entre nous, nous faisons comme si nous avions eu prise sur lui. A dire vrai, c'est lui qui avait prise sur nous et fit de nous ce qu'il voulait. Aujourd'hui où il est établi que les miracles ont une fin, où s'est dissipée la magie qui nous retenait les uns auprès des autres et nous maintenait en vie - une phrase, une formule, une croyance qui nous liaient, et dont la disparition nous métamorphosa en êtres isolés, libres de rester ou de partir: aujourd'hui, semble-t-il, nous ne connaissons désir plus fort, plus douloureux, que celui de conserver vivants en nous les jours et les nuits de cet été-là."</b></span><br />
<br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><b>Christa Wolf, Scènes d'été, Stock, Bibliothèque Cosmopolite, mars 1995. </b></span><br />
<b><span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">Photographie: Christa W. et ses filles, circa 1970.</span> </b></div>
Personahttp://www.blogger.com/profile/10184821360923826222noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-6172618522144697101.post-5400528083096938332015-07-27T15:42:00.002+02:002015-07-27T15:42:51.626+02:00Allons nous baigner...<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgUqUfORRF3SvIOQ5NT7iNlSoZ9_jSlBiBBHJ1Jwwu_M-4tP44rbtJQgej4Rzny5LW4JX8KuLaF5rg8M_Eg6KurEjby4cFRKwecE5Q-rpannvDyqFUDTscdwySHzVVr8KdgJbwy7_G8LBM/s1600/Vies-possibles-et-imaginaires_3.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="457" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgUqUfORRF3SvIOQ5NT7iNlSoZ9_jSlBiBBHJ1Jwwu_M-4tP44rbtJQgej4Rzny5LW4JX8KuLaF5rg8M_Eg6KurEjby4cFRKwecE5Q-rpannvDyqFUDTscdwySHzVVr8KdgJbwy7_G8LBM/s640/Vies-possibles-et-imaginaires_3.jpg" width="640" /></a></div>
<br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">... et ensuite, séchés par le soleil, ouvrons quelques livres. Laissons-nous porter au gré des lectures, de celles qu'offre la bibliothèque, ou pour les chanceux, la bouquinerie du coin - sans préalables, sans réserves. C'est l'été.</span><br />
<br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiioExp3FGoxAly-lIqDI46AlfrycqHDmlJIUIVS9H2VgpWQWydOfnAAnVUPZH5q0WP376nl8BiyJZ7dFJYLmA89qlKX8fcSeGdBYMbQm9lmaC3KegRQjskKCu0EC3A9e0DGZrCm-oFDtI/s1600/vignette_arles.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiioExp3FGoxAly-lIqDI46AlfrycqHDmlJIUIVS9H2VgpWQWydOfnAAnVUPZH5q0WP376nl8BiyJZ7dFJYLmA89qlKX8fcSeGdBYMbQm9lmaC3KegRQjskKCu0EC3A9e0DGZrCm-oFDtI/s1600/vignette_arles.jpg" /></a></div>
<br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">Ici ce sera forcément un va-et-vient entre nouveautés et relectures, au calme, de textes qu'on languit de retrouver, sans oublier, à la faveur d'un festival de poésie méditerranéenne, une ou deux perles rares...</span><br />
<br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">Henry MILLER / Un diable au paradis/ Crazy cock </span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">Philippe ANNOCQUE / Mémoires des failles (éditions de l'Attente)</span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">Dylan THOMAS / Portrait de l'artiste en jeune chien (Points)</span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">Vanda MIKSIC / Sels ( L'Ollave éditeur)</span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">Olivier ROLIN/ Le météorologue (Seuil)</span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">Emily DICKINSON / Lettres aux amies (J.Corti)</span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">Carson MC CULLERS / Le coeur est un chasseur solitaire (Poche)</span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">Juliette MEZENC/ Elles en chambres ( éditions de l'Attente)</span><br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
</div>
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">Stanislas RODANSKI / Rêves ( L'Arachnoïde)</span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">Yoko TAWADA / Journal des jours tremblants (Verdier)</span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">Rose AUSLANDER / Blinder Sommer (Ancrage &Co)</span><br />
<br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><br /></span>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgrY0KoNBcHCU0WT21s_OhCb6QP2FIwEm94y-xgxZhCXvOKEpnXXX4e8fWB0rM9fybhfg9E5Zvxx_ToWU9OPJriFCoknPZ0wVOGkoYrf_1SLWc9pjfUlJJz1fUJPudksj3pCEBs34pyV_g/s1600/Vies-possibles-et-imaginaires_1.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="229" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgrY0KoNBcHCU0WT21s_OhCb6QP2FIwEm94y-xgxZhCXvOKEpnXXX4e8fWB0rM9fybhfg9E5Zvxx_ToWU9OPJriFCoknPZ0wVOGkoYrf_1SLWc9pjfUlJJz1fUJPudksj3pCEBs34pyV_g/s320/Vies-possibles-et-imaginaires_1.jpg" width="320" /></a></div>
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><br /></span>
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><br /></span>
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"> </span><br />
<br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"> </span></div>
Personahttp://www.blogger.com/profile/10184821360923826222noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-6172618522144697101.post-31433369188539428982015-07-23T17:05:00.000+02:002015-07-23T17:05:53.435+02:00AKIRA YOSHIMURA / La guerre des jours lointains<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjywgBoNiTEIfkVcz4QSKcczwwnjHy4v5HyV9SD9VfkrYfmAFN32EvtXvABqiStYDVluudDsVRl9FariqBgUyq5-dSoAgwfsuMgRIp1AWdFQk0QKrB-wB3yHUmmJhIBpqzOGSHr2-xEPWc/s1600/Japan_postwar03.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="300" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjywgBoNiTEIfkVcz4QSKcczwwnjHy4v5HyV9SD9VfkrYfmAFN32EvtXvABqiStYDVluudDsVRl9FariqBgUyq5-dSoAgwfsuMgRIp1AWdFQk0QKrB-wB3yHUmmJhIBpqzOGSHr2-xEPWc/s400/Japan_postwar03.jpg" width="400" /></a></div>
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">Entrelaçant les motifs personnels et ceux plus larges, de l'Histoire de la Seconde Guerre Mondiale dans le Pacifique, côté japonais, cette "Guerre des jours lointains" semble tout entière écrite en résonance aux mots de Sebald:</span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"> </span><br /><span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><b><i>"La
destruction totale n'apparaît donc pas comme l'issue effroyable d'une
aberration collective mais comme la première étape d'une reconstruction
réussie."</i></b></span><br />
<br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">L'histoire de Takuya Kiyohara, bouleversante, est celle d'un officier en fuite d'île en île, le long de l'archipel. Obsédé par la nécessité de disparaître, de se muer en quelqu'un d'autre et mobilisant toute son intelligence et son énergie dans ce but, le jeune homme est entravé par les déplacés errant dans un Japon dévasté, en flammes. Succession irritante et angoissante de retards, d'attentes dans des lieux dévolus au voyage, tout au moins au mouvement: quais, halls de gare, débarcadères débordent de réfugiés et ne répondent que faiblement aux exigences de déplacement de qui doit se cacher des regards inquisiteurs. Des obstacles, des ralentissements à la fois inhérents à la situation du Japon en 1945 et comme surgis du psychisme sous haute tension d'un personnage en quête de disparition qui fonctionnent, </span><span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">dans le premier tiers du récit,</span><span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"> comme parfaits principes d'oppression...</span><br />
<br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">Ce fil du réel que l'auteur dévide est lesté dès le départ par le plomb d'une probable condamnation à mort: le jeune homme confronté à un sort injuste, difficilement </span><span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><b><i></i></b></span><span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">compréhensible à l'aune des "lois de la guerre" dans ce pays défait, humilié et en proie à une totale confusion ne s'en sortira pas. Les informations récurrentes dans les journaux qu'il parvient régulièrement à se procurer martèlent son exil de nouvelles implacables, qui l'enserrent jusqu'à l'issue immanquable. Les procès annoncés se tiennent, les exécutions capitales affichées pour répondre à l'occupant-vainqueur ont lieu, sans que soit jamais interrogée, <i>directement</i> - il est trop tôt, et la triangulaire des relatons Chine-Japon-USA évoquée ailleurs par W.T.Vollmann, joue déjà son rôle - la responsabilité de ce même occupant. </span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">Dans l'extrait qui suit, Takuya Kiyohara découvre l'impact des bombardements qui ont suivi de près les largages des deux bombes atomiques. C'est une vision d'horreur.</span><br />
<br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"> <b>"Le passage d'avions ennemis avait été enregistré à 3h30 du matin. Il s'était écoulé sept heures et quarante minutes depuis le début de l'intrusion. Il voulait connaître la situation à l'extérieur de la salle de opérations militaires.</b></span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><b>Ayant confié le reste du travail à ses subordonnés, Takuya sortit, avança rapidement dans le couloir éclairé. Il ouvrit la lourde porte métallique à deux battants, se retrouva au centre d'une étrange rumeur. L'air était chaud. Devant lui s'étendait un monde écarlate. Les arbres, le bâtiment du quartier général, le sol, tout était rouge. Le vent soufflait en rafales, les branches étaient secouées et les feuilles arrachées volaient en tous sens. (...)</b></span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><b><br /></b></span>
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><b>Son visage était chaud comme s'il avait été brûlé.</b></span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><b>La fumée qui arrivait lui faisait mal aux yeux. Il n'y avait ni installations militaires ni usines d'armement en ville, l'escadron de B29 avait largué ses bombes incendiaires avant de repartir en sens inverse dans l'unique but de réduire en cendres les habitations et de massacrer les habitants. Il réalisa que la scène qu'il avait sous les yeux s'était répétée dans un certain nombre de villes de toute les régions du Japon, précipitant de nombreux civils vers la mort." </b></span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><b><br /></b></span>
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">Poursuivi et jugé
pour avoir fait partie d'un peloton d'exécution le quinze Août, jour de
la déclaration de l'empereur sur la capitulation du Japon et pour s'être
rendu coupable d'une décapitation sur un aviateur d'un escadron de B29
responsables des bombardements massifs évoqués plus haut, sur
ordre de son commandement, l'officier Kiyohara découvre que </span><span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">les règles ont changé, que les autorités militaires, intouchables, trahissent leurs troupes et avancent sur ce nouvel échiquier de la </span><span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">conciliation avec l'Amérique, en première ligne, de jeunes soldats incrédules: ce pour quoi il avait ressenti de la fierté, ce qui avait pu consolider son attachement à la patrie s'écroule sous le double coup des accords de Postdam, marqueur de la défaite du Japon et celui de la lâcheté des cadres dirigeants. Seront poursuivis et exécutés ceux qui se seront compromis dans des exactions sur les nouveaux alliés dans la reconstruction- entendre les américains, et il sera facile de prétendre que ces actes odieux sont le fait de jeunes excités, débordés par leur haine. </span><br />
<br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">La guerre est donc à peine achevée que, sur les décombres fumants, dans l'encombrement des voies de circulations par terre et mer, et dans le désordre des villes calcinées, en ruines, Takuya Kiyohara fuit, muni de fragiles faux papiers et de son arme, dérisoire substitut d'un foyer rassurant, dernier vestige d'une stabilité illusoire. </span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">Rien ne dure. Tout réel peut se retourner comme un "gant de peau". </span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">Que faire? Bien sûr la pensée du suicide affleure à chaque pas, comme une ombre qui s'alourdirait, se densifierait au fil de la lecture sans que jamais elle ne l'emporte sur <i>la</i> solution: être capturé et s'en remettre, enfin, à d'autres. </span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">Parce qu'il ne pouvait en réchapper autrement qu'en cédant, Takuya Kiyohara ne tente pas le moins du monde d'éviter les policiers qui se présentent sur son lieu de travail, où s'est esquissé pour lui un frêle erzatz de vie: une fabrique de bois d'allumettes. </span><br />
<br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">La fin est terrible - d'une sobriété terrible. Alors qu'il est condamné à la prison à vie, les conditions d'enfermement évoluent, sa peine est commuée, sous l'effet des modifications de la politique internationale... Après neuf ans de détention, une libération vaine: <i>"A sa sortie, il n'éprouva aucune joie", </i> n'étant déjà plus de ce monde, et comme amnésique, engouffré malgré lui dans un présent où les cartes ont été rebrassées selon un ordre inconnu, qui ne fait pas de place aux ombres du passé.</span><br />
<br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><b>Akira Yoshimura, La guerre des jours lointains, traduit par Rose Marie Makino-Fayolle, Actes Sud, Babel, 2004.</b> </span></div>
Personahttp://www.blogger.com/profile/10184821360923826222noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-6172618522144697101.post-84319057503267001672015-07-23T15:53:00.002+02:002015-07-23T15:53:41.703+02:00WILLIAM T. VOLLMANN / Pourquoi êtes-vous pauvres?<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg3JMum7OueWBkcZDQrfFbR3OHSAX_vq-964m8I62R8bhWWY7eD2ns6BRQSIcpUQfknQOYpasZBMr88KeHxq1hZPvXjb1XXDrKLxkULbI87OhBfjJ_uejbiIHaJp_dAvJkxPbJVgR4x9qY/s1600/FullSizeRender.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="400" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg3JMum7OueWBkcZDQrfFbR3OHSAX_vq-964m8I62R8bhWWY7eD2ns6BRQSIcpUQfknQOYpasZBMr88KeHxq1hZPvXjb1XXDrKLxkULbI87OhBfjJ_uejbiIHaJp_dAvJkxPbJVgR4x9qY/s400/FullSizeRender.jpg" width="262" /></a></div>
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><b> Extrait / </b></span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><b><br /></b></span>
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><b>" Vous rêvez de quel avenir?</b></span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><b>L'espoir a la vie dure, dit amèrement Elena.</b></span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><b>L'espoir c'est qu'on puisse trouver un boulot de gardien et après ça trouver un logement, dit sa mère. Ils ne nous ont rien proposé...</b></span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><b>Elena dit: Je retournerai à l'université pour étudier. Je travaillerais d'abord. Je m'intéresse à l'anglais.</b></span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><b>Quelle est ton expression américaine préférée?</b></span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><b><i>Fuck you</i>.</b></span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><b>Mots qu'elle énonça de manière presque inintelligible.</b></span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><b>Cette expression, dit sa mère, est proportionnée à la vie que nous menons.</b></span><br />
<br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><b>Tout le monde dans la famille était pâle.</b></span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><b>(Ils m'écrivirent leurs noms comme suit:</b></span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><b>Sokolov, Nikolaï Vassilievitch, 57 ans</b></span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><b>Sokolova, Nina Leonigovna, 58</b></span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><b>Sokolova, Elena Nokolaïvna, 30</b></span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><b>Sokolova Marina Nikolaïevna, 30</b></span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><b>Geramilieva, Oksana, 81)</b></span><br />
<br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><b>Nina, qui nous raccompagna, l'interprète et moi, jusqu'à la station de métro, déclara qu'elle n'avait pas peur de sortir seule le soir pendant l'hiver. Pendant les nuits blanches, elle se sentait très exposée. Elle n'avait ni la télévision ni la radio ni les journaux. Elle ne voulait rien avoir à faire avec le monde. Et dans ces rares moments où nous avons été seuls avec elle j'ai commencé à comprendre à quel point elle était éloignée de moi, comme j'avais déjà senti que l'était son mari; je ne peux pas dire qu'ils étaient perdus, parce qu'ils savaient où ils étaient; ils étaient ailleurs; ils étaient pauvres; c'étaient des morts-vivants. </b></span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><b>J'embrassai sa main froide et pâle pour lui dire au revoir."</b></span><br />
<br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><b>W.T.Vollmann, Pourquoi êtes-vous pauvres?, Actes Sud, Babel, 2010. </b></span><br />
<br />
<br /></div>
Personahttp://www.blogger.com/profile/10184821360923826222noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-6172618522144697101.post-28178938982068260312015-07-10T17:54:00.001+02:002015-07-11T00:33:14.152+02:00TOMMASO DI CIAULA / "Tuta Blu" ( Bleu de travail)<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on">
<br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgfIBY9o5Bbj9HpcpaRCDtttjxxPa1yphmJqtZYislsPQgORc6oMTfLSruCeq4nTfa1KJ4Izcg0nJsotSvASAHDwL5rJx_EiTnuVlJgE96uQ3m0VfZaMJbEJ9-V0AZWzkfP-TvpX5SLQKc/s1600/A0045.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="400" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgfIBY9o5Bbj9HpcpaRCDtttjxxPa1yphmJqtZYislsPQgORc6oMTfLSruCeq4nTfa1KJ4Izcg0nJsotSvASAHDwL5rJx_EiTnuVlJgE96uQ3m0VfZaMJbEJ9-V0AZWzkfP-TvpX5SLQKc/s400/A0045.jpg" width="263" /></a></span></div>
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">Une langue droite comme un direct dans la figure, rythmant la prose sèche, heurtée, de ce bref et unique opus d'un auteur que l'école n'a pas informé ( il fut recalé à trois reprises à l'examen d'entrée au collège!), ouvrier tourneur dans une usine d'Italie du Sud, près de Bari- et la publication de son témoignage n'y a rien changé. </span><br />
<br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">Un texte qui halète, paragraphe après paragraphe, sans aucun des rouages huileux articulant idées/ exempla dans les récits respectueux des règles classiques d'une rhétorique éculée. Parce que dire les nouvelles formes de violence d'un réel inédit exige d'être à bout de souffle. Aller droit à ce qui choque, impressionne rétine et sens, excite et fait bouillonner le sang. </span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">Tout du long de ces 180 pages, se mettre dans la roue d'un qui a fait durant des années comme une seule et terrible journée de travail à l'usine, à la chaîne, voilà l'expérience à laquelle le lecteur se soumet. Une journée qui dure le temps d'une vie, en ( bête de ) somme, où les temps modernes ont su tuer ce qui était beau, et simple, et accessible à tous, surtout aux "sans-rien", </span><span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">auxquels on a ôté même le contact d'une nature consolatrice...</span><br />
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><br /></span>
<br />
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><b>" A vol d'oiseau la mer est tout près, on peut la voir en montant sur le toit en fer des ateliers. C'est une mer bleue, robuste, puissante. Quand elle est agitée on peut même voir ses vagues écumeuses, c'est une mer qui met le coeur en joie, mais si on s'approche on aperçoit tout de suite que c'est une mer morte; goudron, ordures et mazout la tuent jour après jour, il n'y a plus de poissons, il n'y a plus les crevettes ni les baveuses que nous pêchions quand elle était propre. "</b></span></div>
<div style="text-align: left;">
<br /></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">Epuisement quotidien des journées de labeur en usine, des luttes récurrentes vouées à l'échec, ouvriers contre chefs, ouvriers contre services sociaux, médecins incompétents, sourds aux requêtes: toujours il est question - et comment pourrait-il en être autrement? - de corps exténués, d'esprits abrutis, peinant à penser, de leur obsession de l'accident, de la peur, pour soi, pour les autres - du camarade de chaîne aux enfants qu'on laisserait, orphelins miséreux.</span></div>
<div style="text-align: left;">
<br /></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">Mais au-delà de la plainte, de l'élégie, reste le politique. Et ce n'est pas la moindre qualité de cette "bombe" cassant "des siècles de silence" que de convoquer, sans cesse, la dimension collective, la force de résistance et d'opposition, qui, sitôt activée, mise en mouvement, ressoude et réconcilie. L'Italie des années soixante, ses émeutes, son énergie révolutionnaire est davantage qu'un spectre auquel se frotte sans cesse l'expression de "classe ouvrière". Plongée dans cette mer de mots bruts, sincères, celle-ci est comme revivifiée, regonflée de son importance et du poids d'une histoire non finie.</span></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">Alors oui, il faut lire Tommaso Di Ciaula et son texte qui s'accorde, avec presque quarante ans d'avance, à cette Italie du Sud aux rivages détruits par les promoteurs immobiliers où (s')échouent migrants, visions idylliques, rêves de vies faciles, représentations périmées d'une Europe qui veut si peu exister. </span></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">De grèves en manifestations, de refus d'obéir aux restructurations assassines que portent des contremaîtres "aux ordres" en constats d'amertume, "Tuta Blu" réinvestit la langue et le réel d'un vocabulaire simple, exigeant. Liberté des corps, puissance du désir, solidarité et revendication rageuse de l'élargissement des possibles pour toutes les vies passées à l'encan des chaînes de production. Autel sur lequel, encore, sont sacrifiées les existences des plus fragiles, des plus pauvres, partout.</span></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><br /></span></div>
<div style="text-align: left;">
<b><span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">Extrait:</span></b></div>
<div style="text-align: left;">
<b><span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">"Ce soir, la neige. Avant-dernier dimanche de novembre, il y a des années qu'il ne neigeait pas dans les Pouilles au mois de Novembre. Je jette un coup d'oeil aux journaux: Pirelli licencie 1380 travailleurs, L'Innocenti de Lambrate veut fermer complètement, d'autres grosses usines hésitent entre fonds de chômage et licenciement. Comme une épidémie. Dans la péninsule les patrons jouent au chat et à la souris, les uns ferment, les autres ouvrent, les uns ouvrent à moitié, les autres ferment à moitié, les uns se cachent, les autres réapparaissent. En attendant, l'hiver s'annonce rigoureux, et ces messieurs veulent nous jeter à la rue. Ils veulent nous mettre à la porte des usines parce que nous ne sommes pas gentils. Dans les usines, nous crevons, ils nous intoxiquent, ils nous abrutissent, ils nous sucent le sang, et ils veulent les fermer comme si c'était le paradis.</span></b></div>
<div style="text-align: left;">
<b><span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">(...)</span></b></div>
<div style="text-align: left;">
<b><span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;">Cependant la neige tombe, une neige insolite. Jusqu'au mois dernier, on allait en bras de chemise, dans le parc communal, le soir on dormait au grand air et à la lumière des réverbères ou sur les bancs. L'été a été très chaud, sec, pas même une goutte d'eau, la poussière étouffait les sentiers de campagne et même les cigales se taisaient. Elles aussi chassées par la puanteur de merde, d'ordure, par les égouts à ciel ouvert qu'on appelle ici des "marranes". Pauvre Sud, Sud pisseux, avec ces salauds qui spéculent sur nos indécisions, nos désordres, nos amertumes, nos fureurs qui durent peu, l'espace de quelques heures, de quelques minutes."</span></b></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"> </span></div>
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"></span><br />
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><b>Tommaso Di Ciaula, "Tuta Blu" ( Bleu de travail), traduction de Jean Guichard, Actes Sud, 1982. </b></span></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><br /></span></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><br /></span></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><br /></span></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><br /></span></div>
<div style="text-align: left;">
<br /></div>
</div>
Personahttp://www.blogger.com/profile/10184821360923826222noreply@blogger.com4tag:blogger.com,1999:blog-6172618522144697101.post-48721147053901319142015-06-11T21:58:00.005+02:002015-06-11T22:49:27.708+02:00E.M. FORSTER / La machine s'arrête<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: left;">
<span style="clear: left; float: left; font-family: "Courier New",Courier,monospace; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img alt="http://www.lepasdecote.fr/wp-content/uploads/2014/06/9791092605051.jpg" class="shrinkToFit" src="http://www.lepasdecote.fr/wp-content/uploads/2014/06/9791092605051.jpg" height="400" width="245" /></span><span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace; margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><b> "Imaginez, si vous le pouvez, une petite chambre de forme hexagonale, comme l'alvéole d'une abeille." </b> </span><span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace; margin-left: 1em; margin-right: 1em;"> </span><span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;">Un lieu clos, tel un cocon, envelopperait les corps des humains d'une ère à venir et répondrait à leurs moindres désirs et besoins... Anachronisme prêtant à sourire des bras mécaniques, pivotants, des boutons et pistons tapissant les murs de ce qu'il convient d'appeler une cellule (on pense aux "Cells" menaçantes de Louise Bourgeois...), des sols qui se réhaussent et recueillent des literies escamotables. Pourtant, au-delà d'un imaginaire apparemment désuet, la nouvelle de Forster ( parue en 1909) pose d'une manière assez sidérante et absolument contemporaine les principes d'un monde </span><i style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;">déjà là</i><span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;">, étrangement familier. Mis en images par la fiction cinématographique (</span><span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;">incontournable</span><i style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;"> Matrix</i><span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;">), et se situant, en littérature, quelque part du côté des rhizomes et autres terriers </span><span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;">kafkaïens.</span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: left;">
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace; margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><br /></span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: left;">
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace; margin-left: 1em; margin-right: 1em;">En trois plongées, trois saccades, nous voilà engagés dans la découverte d'un monde des ténèbres. Là, une humanité littéralement enfouie ne peut plus concevoir le contact direct. Plongés dans un au-delà de la "physique", hommes et femmes trouvent obscène, terriblement éprouvant d'être confrontés à la matière ( corps et voix d'autrui, lumière du soleil, odeurs) quand il est si simple de s'en tenir à la télécommunication et à la pensée, la connaissance- filtrées:</span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: left;">
<b style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;">"Les
idées de première main n'existent pas vraiment. Elles ne sont rien de
plus que des impressions physiques produites par l'amour et la peur, et
qui pourrait ériger une philosophie sur cette base grossière? Faites-en
sorte que vos idées soient de deuxième main, et si possible de dixième
main, car elles seront alors très éloignées de cet élément perturbateur:
l'observation directe."</b></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: left;">
<br /></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: left;">
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace; margin-left: 1em; margin-right: 1em;">Au coeur de ce monde, une mystérieuse Machine, une construction humaine qui sur-agit et se développe monstrueusement, au point de se nourrir de ceux qu'elle maintient en état de servitude: <b>" Nous ne sommes rien de plus que des globules sanguins circulant dans ses artères."</b></span><span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;">Prise en charge des besoins élémentaires de l'espèce grâce à un réseau densifié de services; tissage d'un voile d'uniformité qui étouffe la planète; soumission, enfin, des corps et des esprits dans un double mouvement d'aliénation aux technologies et à la falsification du réel tandis que la circulation des informations est devenue instantanée et sur-valorisée avec des cycles de conférences universelles prises en charge par divers membres de la communauté (le MOOC déjà!) à tout moment ( FB, Twitter et le 24/7!). Voyages, déplacements spatiaux sont bien sûr obsolètes: il n'y a plus rien à découvrir.</span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: left;">
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><br /></span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: left;">
<b style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;">" A quoi bon se rendre à Pékin alors que ce serait exactement comme à Shrewsbury? pourquoi retourner à Shrewsbury alors que ce serait exactement comme à Pékin? Les hommes déplaçaient rarement leur corps; <u>toute l'agitation était concentrée dans l'âme.</u>"</b></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: left;">
<b style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;"><br /></b></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: left;">
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace; margin-left: 1em; margin-right: 1em;">Ainsi les personnages, une fois délivrés de la Machine - elle s'arrête</span><span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;">dans un mouvement d'épuisement auto-généré-</span><span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;"> et de la terreur du "sans-abrisme" dont cette dernière les menaçait en cas d'attitude "dissidente", renouent, </span><span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;">dans une proximité de comportement avec des insectes désemparés, </span><span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;">avec une mortalité brutale et un réel devenu insupportable: </span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: left;">
<b style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;"><br /></b></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: left;">
<b style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;">" ... avec l'arrêt de l'activité vint une terreur inattendue: le silence. Elle n'avait jamais connu le silence, et son irruption la tua presque; il tua d'ailleurs plusieurs milliers de personnes sur le coup." </b></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: left;">
<br /></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: left;">
<b><span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace; margin-left: 1em; margin-right: 1em;">E.M.Forster, La machine s'arrête, traduction de Laurie Duhamel, aux éditions <a href="http://www.lepasdecote.fr/">le Pas de côté</a>, juin 2014.</span></b></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: left;">
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace; margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><br /></span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: left;">
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace; margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><br /></span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: left;">
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace; margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><br /></span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: left;">
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace; margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><br /></span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: left;">
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace; margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><br /></span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: left;">
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace; margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><br /></span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: left;">
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace; margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><br /></span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: left;">
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace; margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><br /></span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: left;">
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace; margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><br /></span></div>
</div>
Personahttp://www.blogger.com/profile/10184821360923826222noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-6172618522144697101.post-53717606061376030982015-06-01T09:40:00.001+02:002015-06-01T09:56:00.488+02:00ELENA PONIATOWSKA / La nuit de Tlatelolco, histoire orale d'un massacre d'Etat (extrait)<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
</div>
<br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhWGhqUjwss3rJXyiF5-nAGtBEIes75ffPOHAxnY_Anwl_RgwifH4GqzdDCZVdJpc1PozEQIb8-1ezz_MyGq3xJrlhCNPQQnZcN6RV9KVXVSeO3y4_HB0bGmc1Pj5L8VIaCJYnphxd4rNU/s1600/tlatelolco.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhWGhqUjwss3rJXyiF5-nAGtBEIes75ffPOHAxnY_Anwl_RgwifH4GqzdDCZVdJpc1PozEQIb8-1ezz_MyGq3xJrlhCNPQQnZcN6RV9KVXVSeO3y4_HB0bGmc1Pj5L8VIaCJYnphxd4rNU/s320/tlatelolco.jpg" width="213" /></a></div>
<b><span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;">" J'ai soudain décidé de ne plus me soucier de savoir si les discussions préalables commencent ou pas, si quelqu'un s'y oppose avec des arguments absurdes, s'ils virent Cueto ou libèrent les prisonniers: toi, tu es loin et tu n'es même pas au courant de ce qui se passe ici; et moi je pourrais être avec toi, être comme toi, mener une vie consacrée à mon métier, à un champ restreint que je connaîtrais parfaitement, absorbé par les dernières recherches et découvertes publiées dans les revues spécialisées.</span></b><br />
<b><span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;">J'ai senti s'effondrer les domaines les plus importants pour moi ces dernières années. Les dernières notes de la mélodie s'étaient tues, mais moi je continuais à l'entendre, cette mélodie, pas dans ces doux sons de cloche mais durant cet été-là.</span></b><br />
<b><span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;">Je l'entends autour de toi, chantée au grand jour, sous le soleil, lorsque la mer inspire confiance et qu'un bateau blanc couvert de drapeaux peut y entrer; je l'entends la nuit, quand je marche près de toi et que la Grande Ourse se </span></b><span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><b>détache de l'horizon, les vagues laissent d'étranges lumières phosphorescentes sur le sable et je m'aperçois que tu as encore du sel sur tes épaules sombres; je l'entends en ce moment-même, alors que les cloches viennent de s'arrêter, et je me sens douloureusement séparé de toi et de ce que tu as signifié. Je me suis levé, ébranlé par le sentiment qu'un monde s'écroule, mon monde, dans lequel tu étais, toi et cet été-là, et ce soleil aussi, et que nous ne pourrons le retrouver, tout comme l'âge que nous avions. "</b></span><br />
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><b><br /></b></span>
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><b>___ Luis Gonzales de Alba, délégué de la faculté de philosophie et de lettres au CNH, prisonnier à Lecumberri</b></span><br />
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><b><br /></b></span>
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><b>La nuit de Tlatelolco, Elena Poniatowska, éditions CMDE, Août 2014.</b></span><br />
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><b><br /></b></span>
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><b><br /></b></span>
<br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
</div>
<br /></div>
Personahttp://www.blogger.com/profile/10184821360923826222noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-6172618522144697101.post-87667735993954935252015-05-29T11:04:00.000+02:002015-05-29T11:04:44.198+02:00IRMA KOUDROVA / La mort de Marina Tsvétaïeva<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
</div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgWWbX1SUuJddFSzCBD3fJt2ZnyKg-4sp0dAhxgwJowsI88amj8tR-XQgm7T_Ix7jk-_1w2PQ7jLyElBTBog-FQp80EYFKLinVsE3wqQQeVPw_CoucIQifBczVTejZ1QTFw4KTmhL_PuMc/s1600/marina_tsvet_eva.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="400" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgWWbX1SUuJddFSzCBD3fJt2ZnyKg-4sp0dAhxgwJowsI88amj8tR-XQgm7T_Ix7jk-_1w2PQ7jLyElBTBog-FQp80EYFKLinVsE3wqQQeVPw_CoucIQifBczVTejZ1QTFw4KTmhL_PuMc/s400/marina_tsvet_eva.jpg" width="277" /></a></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<br /></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: left;">
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;">En exergue, un poème, lapidaire, énergique, tendu vers un souvenir, prémonitoire:</span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: left;">
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><br /></span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: left;">
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><b><i>"...Cherchez-le</i></b></span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: left;">
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><b><i>Dans ce monde sublunaire:</i></b></span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: left;">
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><b><i>Ce pays - rayé de la carte!</i></b></span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: left;">
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><b><i>Supprimé de l'espace!</i></b></span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: left;">
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><b><i>On le croirait aspiré, englouti-</i></b></span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: left;">
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><b><i>(...)</i></b></span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: left;">
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><b><i>Qui espère jamais revenir</i></b></span></div>
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<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><b><i>Dans une maison anéantie? " ( 1931)</i></b></span></div>
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<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><b><i><br /></i></b></span></div>
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<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><b><i><br /></i></b></span></div>
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<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;">Encore un livre sur Tsvétaïeva, dont la <i>persona</i> est devenue en quelques années un incontournable de la publication en France. </span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: left;">
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;">Oeuvres en prose, poèmes, carnets, lettres... le remarquable travail éditorial de Clémence Hiver, dont les traductions rigoureuses et belles nichent au coeur de parfaits écrins - livres au petit format, aux couvertures emboîtées, d'un vert mat, qui composent sur les étagères un bloc réconfortant, ont depuis longtemps offert à Marina, nomade forcée, l'ultime réconfort d'une maison, d'un abri,où se poser, où écrire.</span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: left;">
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;">Plus tard les éditions des Syrtes s'autorisent une diffusion plus imposante assortie aux formats appropriés des Lettres à Pasternak ou des Carnets de l'écrivaine, sublime source d'informations et cadeaux inégalés!</span></div>
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<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"> </span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: left;">
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;">Autour des textes, quelques essais fameux, dont le populaire "Vivre dans le feu", recueil récent organisé par T.Todorov, ou, moins connu, mais passionnant, le bel essai sur les destinées parallèles de Tsvétaïeva et son aînée Akhmatova, deux poétesses qui ne se rencontrèrent jamais vraiment, trop dissemblables, rivales peut-être.</span></div>
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<br /></div>
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<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;">Alors, la promesse de ce nouvel opus? </span></div>
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<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;">Répondre à des zones d'ombre, des éléments quelque peu confus ou des explications unilatérales du suicide de Tsvétaïéva en recourant à des sources inédites et à la propre expérience de l'auteur des méthodes de la police secrète de Staline. Résultat? Il n'aura pas fallu quatre pages pour captiver tant ce travail documenté et rigoureux, réussit son pari d' éclairer de manière circonstanciée ces deux années terribles où la poétesse se retrouve happée par la spirale -orchestrée politiquement, méthodiquement- de la dépossession.</span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: left;">
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><br /></span></div>
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<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;">Sitôt revenue en Russie, "monde sublunaire", à la demande de son époux et de leur fille Ariadna, Marina Tsvétaïéva endure leur arrestation successive ( à peine un mois d'écart), leur disparition dans les geôles de la Loubianka puis, dans un état d'angoisse insoutenable entretenu par l'absence <i>d'informations</i> fiables, la détérioration extrême de ses conditions de survie. </span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: left;">
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><br /></span></div>
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<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;">Seule, désespérée par un quotidien d'une dureté insupportable (elle qui avait pu se plaindre dans des carnets de la répétition détestée des tâches ménagères, la vaisselle abrutissante et inutile...), par l'absence de perspectives - elle mène désormais sa vie, ce qui en reste, en aveugle, au jour le jour.</span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: left;">
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><br /></span></div>
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<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;">L'exploitation par Irma Koudrova de sources judiciaires inédites(les fameux procès-verbaux des interrogatoires menés par les équipes de Béria sont passés au crible, confrontés et mis en perspective pour mieux en comprendre la logique de rédaction, avec leurs non-dits et leurs contradictions, et la logique de fonctionnement: ce sont les traces fabriquées, les archives falsifiées d'un réel qui avance masqué, codé: "crypté") et du recoupement minutieux de témoignages divers suscite la possibilité, enfin, de confronter plusieurs de ces éléments avec le suicide de Tsvétaïéva, et, enfin, de le "déromantiser".</span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: left;">
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><br /></span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: left;">
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;">Alors que <i>tout</i> ( solitude, misère, insécurité orchestrée du fait de la précarité géographique, matérielle, émotionnelle) concourt à rétrécir les champs du possible pour Marina et son fils Murr, lequel, à seize ans, n'a que peu d'indulgence pour la dépression maternelle; alors que ses nouvelles conditions de survie, loin de tout ce qui a importé pour elle, asphyxient, écrasent la volonté et la capacité à écrire de Marina en épuisant ses réserves de révolte, sa rage, sa férocité intérieure et celle de son écriture, loin, très loin, s'élabore la légende du territoire russe comme territoire de partage, de dynamisme, d'avenir.</span></div>
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<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><br /></span></div>
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<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;">Elle, est prise au piège - des réseaux politiques, des convictions de son entourage et du maillage inextricable de mensonges et de fausses vérités répandues par les services secrets, le NKVD pour lequel son mari travaillait, ou les sbires de Staline, auquel, comme Akhmatova, elle écrira en vain pour obtenir la libération de Sergueï Efron. Elle, Marina, sombre. Femme-ombre, dont plusieurs témoins évoquent le visage déserté par les émotions, un <i>masque-visage</i>, quelques jours après ses dernières démarches pour obtenir un logement et un travail. Une ombre qui s'agite encore, portée par les derniers soubresauts de sa volonté: permettre à son fils de survivre, d'en réchapper. </span></div>
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<br /></div>
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<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;">Le resserrement chronologique et le balayage des destins de proches ( les Klepinine, leurs voisins à Bolchero, lieu de la première "relégation") met en lumière crûment l'impossibilité d'une défense raisonnée, d'une stratégie d'action, de pensée logique, réfléchie. La terreur omniprésente, la méfiance permanente comme mode de relation aux plus proches, l'absurdité des accusations et des contournements afin de procéder à des expurgations jugées nécessaires par ce régime de fous... Il faut lire les chapitres trois et quatre sur les interrogatoires subis par Ariadna Efron et son père Sergueï, l'évocation de ce nouveau monde de cauchemar, celui des "non-hommes", impossibles à ébranler. </span></div>
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<br /></div>
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<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;">Puis s'attarder sur le déplacement forcé à Elabouga, village misérable du pays Tatar, de Marina et son fils adolescent, sur ses tentatives ahuries pour retrouver un semblant de vie et de soutien en obtenant un logement à Tschistopol, où résidaient d'autres écrivains. Toutes tentatives qui mobilisaient une énergie considérable, que Tsvétaïeva n'avait plus, et qui se soldèrent par une mystérieuse volte-face, le dernier jour de l'été 1941. Il est probable, encore une fois, que les services secrets aient eu le dernier mot et que l'impasse à laquelle Tsvétaïeva ait fait allusion dans ses derniers mots à elle ait eu à voir avec sa compréhension d'un ultime piège, auquel elle savait ne pas pourvoir réchapper. Tsvétaïeva qui avait refusé de hurler avec les loups, de s'abaisser au vulgaire, avec la magnifique arrogance de son " Je ne peux pas!", toute sa personne nouée autour de cette incapacité à compromettre et à plier. </span></div>
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<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;">Le nouveau monde a eu raison d'elle, comme tant d'autres au nombre desquels, Mandelstam, mais peu d'auteurs auront payé ce prix extrême, de ne jamais revoir sa fille, en goulag pendant vingt ans, (Ariadna Efron, la première "enlevée" de la famille, a longtemps ignoré le suicide de sa mère); de perdre son époux quelques semaines après. Tout cela alors que le retour en Russie n'avait jamais été son projet... Une vie confisquée, une force de vie laminée, réduite au désarroi le plus extrême et à la terreur. </span></div>
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<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><br /></span></div>
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<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><b>Irma Koudrova, La mort de Marina Tsvétaïéva, traduction par Hélène Henry, Fayard, avril 2015, Paris.</b></span></div>
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<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><br /></span></div>
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<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><br /></span></div>
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<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><br /></span></div>
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<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><br /></span></div>
<br /></div>
Personahttp://www.blogger.com/profile/10184821360923826222noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-6172618522144697101.post-24928917129529624412015-05-25T21:45:00.003+02:002015-05-25T21:45:28.553+02:00DJUNA BARNES / Lettres à Natalie Barney (Extraits)<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on">
<br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjUl-qWq5Gh5di4baHrv8cofg-pYw837xOHyE4n34orbVgfETPVrstYwdWp6EFKbSofxRhd0y3iRtg9VZPV3adSnhNSZMrnYHivuYbQh8kj2j8kiva-OmND521znIGSq7CT8lWyNM6vJLg/s1600/djuna+et....jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="332" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjUl-qWq5Gh5di4baHrv8cofg-pYw837xOHyE4n34orbVgfETPVrstYwdWp6EFKbSofxRhd0y3iRtg9VZPV3adSnhNSZMrnYHivuYbQh8kj2j8kiva-OmND521znIGSq7CT8lWyNM6vJLg/s400/djuna+et....jpg" width="400" /></a></div>
<b><span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><br /></span></b>
<b><span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;">"Le 16 mai 1963 <i>(Elle vient d'être très malade et s'est sauvée de l'hôpital)</i>...</span></b><br />
<b><span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><br /></span></b>
<b><span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;">Je vis une vie de trappiste, on a dû faire sauter le verrou de ma porte quand on m'a traînée dans cette ambulance. Je ne donnerai ni conférence, ni lecture, ni réponse; je ne veux pas qu'on me prenne en photo.(...) </span></b><br />
<b><span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;">Chère Natalie, vous avez raison quand vous parlez de la douleur. Je dois faire face aux jours affreux de la vieillesse et de la détérioration physique. (...)</span></b><br />
<b><span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><br /></span></b>
<b><span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;">Le 31 mai 1963</span></b><br />
<b><span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><br /></span></b>
<b><span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;">... Il n'y a personne dans le monde littéraire qui n'ait entendu parler, n'ait lu ou n'ait pillé mon livre (Nightwood). Le paradoxe? Malgré un flot de critiques depuis 1936, pas plus de trois ou </span></b><span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><b>autres personnes n'ont mentionné mon nom. Je suis la plus célèbre inconnue du siècle. Qu'y puis-je? C'est mon talent, ce sont mes personnages, mais tous deux me sont étrangers.</b></span><br />
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><b><br /></b></span>
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><b>Le 30 décembre 1964</b></span><br />
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><b><br /></b></span>
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><b>... Je viens d'apprendre la mort de Carl von Vechten. Soudain toutes les feuilles de la forêt sont tombées. Je m'acharne sur mes vers, Dieu seul sait pourquoi. Les changements de saison remuent les parties les plus profondes de l'esprit qui oublie (...). Certaines époques deviennent légendaires et d'après ce que j'entends, aujourd'hui on se délecte - les jeunes surtout- des années vingt. </b></span><br />
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><b>Je me demande ce qu'ils auraient fait à ce moment-là. Parfois nous sommes projetés sur un écran de télévision, avec T.S.Eliot ou James Joyce, Fitzgerald, Hemingway. Ce sont, je crois, toutes des photos de Man Ray. </b></span><br />
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><b>Comme tout cela est étrange. "</b></span><br />
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><b><br /></b></span>
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><b>Djuna Barnes, extraits de sa correspondance inédite avec Natalie Clifford Barney, parue au sein des Cahiers du GRIF n°39, <i>"Recluses, Vagabondes"</i>, traduction Françoise Werner, Tierce éditions, 1988.</b></span><br />
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><b><br /></b></span>
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><b>Photographie: Thelma Wood et Djuna B.</b></span><br />
<b><span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><br /></span></b>
<b><br /></b></div>
Personahttp://www.blogger.com/profile/10184821360923826222noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-6172618522144697101.post-34972331923234710872015-05-16T00:18:00.000+02:002015-05-16T00:18:47.429+02:00JEAN MECKERT / Comme un écho errant<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjjc7nnX55oMDza-oas7VQIlfTJUdpPz31Noq86VXNUTisvkIMuJrj_5DeXQXtq4RqDkO0Xx2lW8eeg5Rd91id5pk7SZ4l0usKg5r5ABpM6Hdi_PYXtUZ1-mC6vdvrocL6mrcnbsUQHnHM/s1600/ean-meckert-dans-les-annees-1950_f5745fc7ee4f6d3cc9db6de492dbe047.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="400" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjjc7nnX55oMDza-oas7VQIlfTJUdpPz31Noq86VXNUTisvkIMuJrj_5DeXQXtq4RqDkO0Xx2lW8eeg5Rd91id5pk7SZ4l0usKg5r5ABpM6Hdi_PYXtUZ1-mC6vdvrocL6mrcnbsUQHnHM/s400/ean-meckert-dans-les-annees-1950_f5745fc7ee4f6d3cc9db6de492dbe047.jpg" width="311" /></a></div>
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><br /></span>
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><i>"Comme un écho errant, solitaire et paumé"</i>... Jean Meckert </span><span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;">- "Les coups", "Nous sommes tous des assassins"-</span><span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;"> </span><span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;">ou, sous pseudo, Jean/John Amila auteur de la Série Noire, à peine masqué sous la gaze du roman, compose le récit autobiographique, intrinsèquement maladroit d'une tentative de (ré)incarnation d'un moi perdu. Ou, pour le dire autrement, le récit </span><span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;">d'une période brisée, envahie par la fragilité consubstantielle à sa perte de la mémoire profonde.</span><br />
<span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;"><br /></span>
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;">Un soir, sur le Faubourg Saint-Antoine, où il habite, Jean Meckert est assailli, violemment battu. Transporté à l'hôpital, il s'avère qu'il souffre d'amnésie. Il devient un homme condamné pour plusieurs années à une invalidité assujettissante, conséquence de cette "mémoire morte" qui recouvre désormais son passé. Les contours de qui il était sont </span><span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;"> encrassés par une pellicule agissante au pouvoir démesuré ( la chance peut-être?) d'engloutir, de résorber</span><span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;"> l'identité qu'il s'était forgée au fil des ans. </span><br />
<span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;">Une taie pour l'heure impossible à saisir et à rejeter au loin. <b>"C'était comme un écho errant auquel il manquait des parois pour se réverbérer." </b>Interdiction de dégagement, de retrouvailles, sinon trouées.</span><br />
<span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;"><br /></span>
<span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;"> <b>"Commençait alors l'apprentissage conscient d'une solitude organisée. Et sans doute est-ce là que débute </b></span><span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><b>réellement l'histoire qu'on souhaite raconter, après avoir ainsi liquidé l'espèce de folklore d'une survie."</b></span><br />
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><b><br /></b></span>
<span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;">Alors que tout ou presque fait défection à Jean Meckert,</span><span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"> s</span><span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;">a soeur, une maîtresse-femme, une sainte-à-sa-façon, l'aide à reprendre pied au quotidien.</span><span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;"> Débordante ,dans son excès de chair même, d'idées toutes faites sur ce qui doit se faire ou pas, préoccupée de l'avenir de son frère, qu'elle (sur)veille sans relâche et imagine vissé à un transat de plage en région </span>Paca<span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;">, à quelques mètres d'un triste bungalow qui lui paraît le paradis de sa vie de jeune retraitée. Leur mère est tout aussi fêlée et sympathique: </span><span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;">suspendue toute sa vie au mythe d'un époux déserteur parce que pacifiste, assez courageux pour désobéir aux salamalecs patriotes, elle </span><span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;">meurt quelques jours après avoir reçu la révélation de la tricherie conjugale, qui ponctue amèrement </span><span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;">son histoire de labeur, de convictions inébranlables et d'honorabilité mise à mal.</span><br />
<span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;"><br /></span>
<span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;">Toutes les deux disparaissent à peu de temps d'intervalle. A nouveau il faut réapprendre la solitude et tâcher seul de résoudre les inconnues de la mémoire, auxquelles nul désormais ne peut apporter le soulagement ou l'angoisse d'un apport extérieur, maigrement compensatoire - mais on prend ce que l'on peut... D'ailleurs, <b>" certainement, ce qu'il y avait de plus important dans la mémoire, c'était sans doute la faculté de l'oubli. Il fallait laisser jouer la déhiscence."</b></span><br />
<br />
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;">Meckert étonne. Par ce témoignage qui vaudrait déjà pour ce qu'il énonce de l'histoire des opprimés (communards, ouvriers...), dans la voix d'un à qui on ne la fait pas </span><span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;">et que la vie, très tôt vécue "à la dure" au pensionnat et à l'usine aurait pourtant à peine aguerri. Et davantage encore parce qu'il assume le rapport intime, sensible et surprenant à l'écriture, à la lecture, constitutives d'une identité dont nous n'aurions pas à rougir: <b>"En un sens c'était évidemment pratique. Les mêmes livres, les siens ou d'autres, pouvaient ainsi servir à nouveau avec l'émotion d'un premier amour. C'était une excellente manière de <i>retrouver une jeunesse et prendre un bénéfique recul sur tout un monde basé sur l'identité, la mémoire, l'histoire, toute cette calcification de la personnalité</i>, alors qu'il aurait fallu apprendre tout au contraire à tout diluer pour entrer dans le sens de l'éternel et de l'incommensurable."</b></span><br />
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><b><br /></b></span>
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;">A l'imbécillité, la veulerie et le manque de conscience camouflés sous les oripeaux des toujours malodorantes "valeurs morales",voici opposée</span><span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;"> </span><span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;">une intelligence "réaliste", c'est-à-dire informée par le réel, la conscience politique, l'indépendance d'esprit, la culture de l'insoumission: </span><span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;">"L'accident" qui nous vaut ce texte endolori n'est pas sans lien avec les trois cent pages de "dénonciation" où étaient mise en lumière la politique odieuse, imprégnée d'idéalisme négrier menée par le gouvernement français en </span>Polynésie<span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;">: qualifier l'assujettissement de la population tahitienne par les colons métropolitains d'"immense proxénétisme" n'a pas plu. </span><br />
<span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;">Quelques hommes de main ont eu à coeur de rappeler à quelle place un écrivain de seconde zone se doit de rester. </span><br />
<span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;">Je veux croire que c'est au plus près de nous.</span><br />
<br />
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><br /></span>
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><b>Jean Meckert, Comme un écho errant, éditions Joseph K., mai 2012.</b></span><br />
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><br /></span>
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><br /></span>
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><br /></span>
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><br /></span>
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><br /></span></div>
Personahttp://www.blogger.com/profile/10184821360923826222noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-6172618522144697101.post-73333273913798824012015-05-05T22:34:00.001+02:002015-05-05T22:34:23.309+02:00VASSILI GOLOVANOV / Espace et labyrinthes (Extrait)<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhO1Lsoxkvsff4uQyMrD24LBPZL8az3ZQ70t6yO2wO3ObdtxHFZ97v8LCZKElGVYjPicXiQFFccu-yVSdz1w4yLMkgJzc3hLE5dSMTCvjVCVSNbPX6aIgZ9JazN78eK2eatsIOHyPLB35I/s1600/ekaterina-anokhina-inner-mongolia-01.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="266" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhO1Lsoxkvsff4uQyMrD24LBPZL8az3ZQ70t6yO2wO3ObdtxHFZ97v8LCZKElGVYjPicXiQFFccu-yVSdz1w4yLMkgJzc3hLE5dSMTCvjVCVSNbPX6aIgZ9JazN78eK2eatsIOHyPLB35I/s400/ekaterina-anokhina-inner-mongolia-01.jpg" width="400" /></a></div>
<b><span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><br /></span></b>
<b><span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;">" Des psychologues avertis disent que le phénomène du déjà-vu se produit lorsque l'homme se trouve à un carrefour décisif, et que de la décision qu'il va prendre à ce moment précis peut dépendre sa vie entière.</span></b><br />
<b><span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;">Quelque chose de semblable m'était arrivé il y a une dizaine d'années à Torjok justement. J'étais venu voir le prêtre Vladislav Svechnikov pour rassembler de la documentation, je voulais écrire sur lui et finalement nous avons passé notre temps à parler. Son fils spirituel, Sacha, travaillait alors à l'église comme responsable de l'entretien de poêles. Il se levait à quatre heures, partait dans les matins sombres et glacés du mois de mars, rentrait avec, sur lui, l'odeur de la fumée de charbon. Il me semblait être l'homme le plus heureux au monde, il ne possédait rien. Rien de superflu, seulement ce qui était pour lui l'essentiel. Alors que moi je n'avais que du superflu: des relations inutiles, un travail inutile, une maison inutile où je vivais de façon inutile, sans dieu et sans espoir. Soudain, dans le jardin de l'église, le vent fit tanguer les tilleuls de mars, un vol de choucas tournoya au-dessus des coupoles, et j'eus l'intuition que cette source de vie m'était connue, qu'il suffisait que j'arrive à me souvenir de l'endroit où elle se trouve pour savoir comment vivre!</span></b><br />
<b><span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"> A cette époque déjà, j'étais en quête d'une source. Je ne l'ai pas trouvée. Une semaine plus tard, ma vie déraillait. "</span></b><br />
<b><span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><br /></span></b>
<b><span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;">Vassili Golovanov, Espace et </span></b><span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><b>labyrinthes, traduit par Hélène Châtelain, Verdier, collection Slovo, 2012. </b></span><br />
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><b><br /></b></span>
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><b>Photographie: Ekaterina Anokhina, Inner Mongolia, Dienacht Publishing, 2013.</b></span></div>
Personahttp://www.blogger.com/profile/10184821360923826222noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-6172618522144697101.post-67926314488211416302015-03-17T13:06:00.003+01:002015-03-17T13:06:53.727+01:00JANET FRAME / Le jardin silencieux ( extrait)<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgnsZ-sh_qtV1UecRtPtPUnYug241PWAKMc4ALRLc-b0BzP0sPWsdZsCMrJ9kXmE4s7eTp1uFxo1u_qiv1hnTXaVjkeE5U8r8-QhSdG7j9KcJwrtT_kbUqSodOaI4xF9c6zbZL2UKetbPw/s1600/th-1.jpeg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgnsZ-sh_qtV1UecRtPtPUnYug241PWAKMc4ALRLc-b0BzP0sPWsdZsCMrJ9kXmE4s7eTp1uFxo1u_qiv1hnTXaVjkeE5U8r8-QhSdG7j9KcJwrtT_kbUqSodOaI4xF9c6zbZL2UKetbPw/s1600/th-1.jpeg" height="140" width="200" /></a></div>
<br />
<b><span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;">"Erlene se trouve dans la pièce voisine. Telle une aveugle, elle est environnée d'obscurité. J'ai pris l'habitude de prêter une oreille attentive à son silence, enchâssée au sein du volume sonore des ténèbres, du gong de la lumière du jour, du craquement et de l'affaissement des meubles, de la tonalité blanche, grave et constante des fenêtres, du frémissement inoculant des rideaux, des profonds soupirs des lits qui grincent et souffrent sous la tension et l'agitation des corps humains. Tous les sons ont été amplifiés depuis que ma fille a perdu l'usage de la parole; pourtant, si je savais que ses premier mots seraient destinés à me juger, je la tuerais, j'irais à l'instant même dans la petite pièce où elle se trouve seule dans l'obscurité, et je la tuerais - et elle serait incapable d'appeler à l'aide."</span></b><br />
<br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhtZo-6XzlJzOTY4XxYbhJv0RPQfKyk1X1o1uJRxekz61Zjlcewl_OwRuF1H-qlLuIGsM_DBW6_If-Gdxa-N506zA0Q8bJZT_cnBMOjdTQvFvgZTm-NFAzq62oaJlsQBLjqwWK02WjKhAw/s1600/th.jpeg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhtZo-6XzlJzOTY4XxYbhJv0RPQfKyk1X1o1uJRxekz61Zjlcewl_OwRuF1H-qlLuIGsM_DBW6_If-Gdxa-N506zA0Q8bJZT_cnBMOjdTQvFvgZTm-NFAzq62oaJlsQBLjqwWK02WjKhAw/s1600/th.jpeg" /></a></div>
<br />
<br />
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><b>Janet Frame, Le jardin aveugle, traduction Dominique Mainard, Editions Joelle Losfeld, 1998.</b></span></div>
Personahttp://www.blogger.com/profile/10184821360923826222noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-6172618522144697101.post-85666795404827777832015-03-15T22:35:00.002+01:002015-03-16T08:51:38.625+01:00FRIGYES KARINTHY / Voyage autour de mon crâne<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
</div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: justify;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhK6ne26ajziWh-kpyoss8NZq9YZUfgVJ0tp-dE4y8TQLyo3-WCk-rrV6KGqnOVOXQrVCrbmY_LKe4r5cIsl8rgH3OC7Jr5emimRZJadooJuHewlj4T5A0GO0CIeIZ7fSwAprmh91MRfHQ/s1600/Karinthy-bu%CC%8Bve%CC%81sz.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhK6ne26ajziWh-kpyoss8NZq9YZUfgVJ0tp-dE4y8TQLyo3-WCk-rrV6KGqnOVOXQrVCrbmY_LKe4r5cIsl8rgH3OC7Jr5emimRZJadooJuHewlj4T5A0GO0CIeIZ7fSwAprmh91MRfHQ/s1600/Karinthy-bu%CC%8Bve%CC%81sz.jpg" height="292" width="400" /></a></div>
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><b><br /></b></span>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><b><b>" Un jour, vers le 10 mars, à peu près- je prenais le thé au café central, place de l'université, à Budapest. J'étais assis à ma place habituelle, près de la fenêtre, d'où je voyais la Librairie Universitaire et une banque.(...) A ce moment précis, les trains partirent. Très exactement à sept heures dix, à une minute près, j'entendis le premier train.(...) ce n'est que lorsque le troisième train partit que je compris que j'étais victime d'une hallucination."</b></b></span></div>
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><b>
</b></span><br />
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"> Avec une telle ouverture, "Voyage autour de mon crâne" ne pouvait que prendre place au coeur du coeur de notre pile de livres préférés.... A l'opposé d'une promenade de santé, ce récit fiévreux (entendre plein d'acuité, de mordant et sans résidu complaisant) embarque son lecteur sans que ce dernier puisse reprendre souffle ou pied, comme on voudra, avant les dernières pages et au terme d'une course de vitesse contre la mort... Loin , très loin dans les méandres angoissants d'un univers sinistre et tellement commun, paradoxal en ce qu'il est universellement partagé et toujours appréhendé dans un solipsisme absolu: la maladie. Celle qui tue, qui terrifie d'abord, qui s'abat sans laisser de perspectives, sinon infimes, lointaines, dans un avenir contrarié, infléchi irrémédiablement et possiblement obsolète. </span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;"><br /></span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;">Le narrateur, qui est aussi l'auteur, est projeté aux confins du monde des biens portants, de ces bienheureux ignorants du sombre maëlstrom qui engloutit chaque malade, avant que son statut d'homme de lettres célèbre ne lui permette un déplacement en Suède,afin d' y supporter l'opération qui doit lui sauver la vie - pour peu de temps. </span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"> Il aura suffi qu'un train invisible - pardon, trois, passent près de l'auteur, pour déclencher en lui la conscience aigüe de sa maladie, et l'annonce officielle d'une tumeur au cerveau ne le surprendra pas, inscrite dans un réseau, ou plutôt un faisceau de signes allant du souvenir d'un de ses amis de jeunesse victime du même mal jusqu'aux inévitables symptômes et troubles de la vision obscurcissant tout. Entre le moment où Karinthy s'imagine sa vie d'intellectuel aveugle, façon Borges, et celui où son opération sous la houlette d'un magicien suédois se décide, on ne quitte plus les vacillements affolés et lucides, pleins d'un humour grinçant, de son cerveau abimé, enregistrant tous les détails de ce nouveau réel, de ce nouveau monde ( celui des chambres blanches, du corps <i>impotens, </i>de la soumission à un autre ordre...) et concentré sur cette vie de l'instant, la seule qui compte désormais. </span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;"><br /></span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;"> Je passerai sous silence les chapitres éprouvants, qu'une décence incontournable oblige à lire ( les mots </span><i style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;">versus</i><span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;"> la chair), dans lesquels l'auteur raconte en détail la trépanation sans anesthésie générale puis l'extraction de la tumeur de son cerveau. Je dirai seulement qu'aux côtés des réflexions de Susan Sontag sur "la maladie ( Sida et Cancer) comme métaphore", peu de pages peuvent honorablement prendre place. Sidérante, cette plongée aux tréfonds de la peur de mourir et du désir d'en réchapper, en fait incontestablement partie. </span></div>
<br />
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;"><br /></span></div>
<div style="text-align: justify;">
<b style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;">Frigyes Karinthy, Voyage autour de mon crâne, Viviane Hamy,1990, Paris.</b></div>
<br />
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;"><br /></span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;"><br /></span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;"> </span></div>
<br />
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;"><br /></span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;"><br /></span></div>
</div>
Personahttp://www.blogger.com/profile/10184821360923826222noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-6172618522144697101.post-15599962840485783582015-03-10T11:24:00.000+01:002015-03-10T11:24:15.696+01:00ANTOINE VOLODINE / Lisbonne dernière marge (extrait)<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhkznE71mexHxRSh6oFlL8grwSeN6ZjeHMro55S0J_jUhjHtpo7B0Z9-f5gn-Lu7OYYjYAd3AvH2IPzM_Y8IMLv9OjgEtx5TzapiUsYTakAddI6jAKqmKBkP0uTCpFoNYNnxw-qCj9qISc/s1600/ulrikemeinhof_c8_1503164.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhkznE71mexHxRSh6oFlL8grwSeN6ZjeHMro55S0J_jUhjHtpo7B0Z9-f5gn-Lu7OYYjYAd3AvH2IPzM_Y8IMLv9OjgEtx5TzapiUsYTakAddI6jAKqmKBkP0uTCpFoNYNnxw-qCj9qISc/s1600/ulrikemeinhof_c8_1503164.jpg" height="225" width="400" /></a></div>
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><b><br /></b></span>
<span style="font-family: "Courier New",Courier,monospace;"><b>"La terreur enflait en elle, les digues craquaient. Son destin se scellait. La terreur déborda. Non. Son destin était déjà scellé. Elle allait s'arracher pour toujours à sa première peau, Kurt lui avait retiré sa peau, on allait la dévêtir de sa peau, brûler pour toujours sa peau; elle allait émigrer sans retour, Kurt allait la jeter pantelante sur le pont d'un navire en partance pour l'au-delà, on allait lui donner un cuir de remplacement qu'elle enfilerait tant bien que mal, et elle devrait vivre </b></span><span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><b>là-bas, en Chine ou en Corée, ou à Sumatra ou dans le île Komodo, sous cette enveloppe amorphe, en se tenant coite jusqu'à sa mort. Une écume de plomb fondu avait recouvert tous ses paysages intérieurs. Elle allait quitter le monde. Le départ était fixé pour la fin de la semaine, dans trois jours, le bateau mouillait déjà dans le dock d'Alcântara, un paquebot de petite taille, au louche pavillon hollandais. Elle étouffait. Derrière elle, une plaine de cendres, et devant: rien. Aucune perspective. On n'appelle pas perspective celle qui consiste à se dégrader sous une fausse identité, à pourrir sous des latitudes invraisemblables, oubliée par ses amis comme par ses ennemis, oubliée par Kurt. Déguisée en épave des colonies et avide, jusqu'à l'ivresse ou la prostration, de connaître l'heure de la tombe."</b></span><br />
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><b><br /></b></span>
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><b>Antoine Volodine, Lisbonne dernière marge, éditions de Minuit, 1990, Paris.</b></span><br />
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><b>Photographie: Ulrike Meinhof à treize ans (<a href="http://nwzonline.de/">ici</a>).</b></span></div>
Personahttp://www.blogger.com/profile/10184821360923826222noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-6172618522144697101.post-65693979818973447002015-03-06T20:09:00.000+01:002015-03-06T22:26:59.384+01:00EUDORA WELTY / La fille de l'optimiste<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhIgYoQDYBI51whxZooTlkDzNkliPCApfXX0wpVbHXIP-BUHFTS32TYiBKp-Tqa8YPyi5wTz4a5VvhDwbx7H9b_hnwm7A0AVVHoFX6xLnavBbmlsJZ09UAlweQnVrIp-c6Byln4lNVIED8/s1600/eudorawelty_onwriting2.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhIgYoQDYBI51whxZooTlkDzNkliPCApfXX0wpVbHXIP-BUHFTS32TYiBKp-Tqa8YPyi5wTz4a5VvhDwbx7H9b_hnwm7A0AVVHoFX6xLnavBbmlsJZ09UAlweQnVrIp-c6Byln4lNVIED8/s1600/eudorawelty_onwriting2.jpg" height="400" width="375" /></a></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<br /></div>
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><br /></span>
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><br /></span><br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"> Longtemps j'ai préféré à tout autre écrit d'Eudora Welty le récit enchanté de son enfance, déployé autour de sa découverte de la lecture et des livres, du lien tendre qui l'unissait à des parents rares, et de sa venue à l'écriture. </span></div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;">Bonne surprise: on retrouve un grand nombre de ses souvenirs dans le nouvel opus réédité et traduit par les bons soins des <a href="http://cambourakis.com/">éditions Cambourakis</a>... Au fil d'une lecture rapide - trois heures dans la soirée d'hier, sans faillir - je retrouvai pêle-mêle l'anecdote du père terrorisé à l'idée d'être ficelé sur une table d'opération, de la fillette perdue dans la grande ville et contrainte de s'en retourner chez elle en train avec son père, ficelé dans son cercueil, les réminiscences de la mère de l'écrivain, auteur d'un excellent pain et dont la voix, avec celle de son mari, enveloppait leur fille d'un voile d'histoires murmurées - et bien d'autres encore, parmi lesquelles la figure de la grand-mère vivant dans ses montagnes et jusqu'au titre du roman...</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><br /></span>
</div>
<div style="text-align: left;">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;">Pourtant, là où "<i>Les débuts d'un écrivain"</i> tenait la mélancolie et la tristesse éloignées, à bout de bras et de plume, par la vigueur de l'expérience, de la vie bien vécue et de l'indépendance haut et fort revendiquée, tous ces éléments, dans le roman paru en 1973, tissent une toile alourdie, emperlée du chagrin et de la solitude qui suintent tout du long.</span></div>
</div>
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;"><br /></span></div>
<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><div style="text-align: justify;">
La narratrice, Laurel, une femme au mitant de sa vie ( quarante-cinq ans environ), venue de Chicago à l'appel de son père, un vieux juge respecté et aimé de tous dans sa petite ville. Celui-ci a mal aux yeux et redoute les conséquences d'une visite médicale, hanté par ce qui est arrivé à sa femme Becky, devenue aveugle peu avant de mourir. Un mal aux yeux à double entente, le vieil homme, après avoir connu un mariage d'exception avec la mère de L. ayant épousé en secondes noces une péronnelle insupportable, qui en veut pour son argent et que l'auteur parvient à nous rendre odieuse en quelques répliques. La fille prodigue lui règlera son compte dans les dernières pages, plus finement qu'on ne l'aurait fait; c'est que Wanda Fay ( la belle-mère tout droit sortie d'un reportage de J. Agee) étant une renégate, est aussi une victime.</div>
</span><br />
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;"><br /></span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;">Tout va très vite. L'opération soldée par la mort du vieux, des funérailles interminables, la solidarité de camarades d'enfances, des voisines attentionnées - tout un cocon au coeur duquel Laurel va laisser se libérer le flot de souvenirs, les voix et les odeurs de son passé. Meurtrie elle-même trois fois ( elle est veuve, et la perte de sa mère l'a laissé inconsolable), c'est comme si ces trois coups de bâton, sommation de son statut définitif d'orpheline, allaient lui permettre tant bien que mal de tourner le dos à cet état d'enfant qui la retient, pour fuir, délivrée de ses fantômes et des éléments matériels ( un rosier miraculeusement fleuri, des odeurs de nourriture amoureusement préparée, une vieille édition complète de Dickens à la couverture malmenée) qui les rattachent à elle.</span></div>
<br />
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;"><br /></span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;">Poignant, limpide, simple, ce bref roman nous conduit, esseulés, au bord de ces moments d'extrême trouble où notre vie bascule du côté de ce qui a eu lieu ( ou pas) davantage que de celui des projets ou des rêves... Non pas tant par nostalgie que par une attention profonde, pudique aux autres, ceux que l'on a aimés, ceux aux côtés desquels l'on s'est </span><i style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;">in fine</i><span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;"> construit. </span></div>
<br />
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;"><br /></span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;"><br /></span></div>
<div style="text-align: justify;">
<b style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;">"...Rien n'était arrivé aux livres. <i>Epoques d'inondation dans l'Alabama et le Misissipi</i>, le titre courant en lettres dorées barrant son étroite échine verte était exactement à sa place de toujours à côté des <i>Oeuvres poétiques</i> de Tennyson illustrés, qui jouxtaient à leur tour la <i>Confession du pécheur justifié </i>de Hogg. Elle passa le doigt, tendrement, sur <i>Eric</i> <i>Bright eyes </i>et <i>Jane Eyre, Les Dernier Jours de Pompéi, et Carry on, Jeeves</i>. </b></div>
<br />
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace; font-weight: bold;"><br /></span></div>
<div style="text-align: justify;">
<b style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;">Epaule contre épaule, ils avaient, longtemps auparavant, formé sa propre famille. Pour chacun des volumes ici présents, elle avait entendu leurs voix, celle de son père et de sa mère; et peut-être ne se souciaient-ils guère, ou pas toujours, de ce qu'ils lisaient tout haut; l'important, c'était le souffle de vie qui s'exhalait entre eux et les mots fugitifs emportés dans ce flux, qui les tenaient sous leur charme. </b></div>
<br />
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace; font-weight: bold;"><br /></span></div>
<div style="text-align: justify;">
<b style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;">Entre deux êtres, pour certains d'entre eux, chaque mot est beau ou pourrait aussi être beau."</b></div>
<br />
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace; font-weight: bold;"><br /></span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace; font-weight: bold;"><br /></span></div>
<div style="text-align: justify;">
<b style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;">Eudora Welty, La fille de l'optimiste, Cambourakis, Mars 2015, Paris.</b></div>
<br />
<br />
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;"><br /></span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;"><br /></span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;"><br /></span></div>
</div>
Personahttp://www.blogger.com/profile/10184821360923826222noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-6172618522144697101.post-71598499868314075452015-03-03T13:41:00.004+01:002015-03-06T22:27:32.524+01:00CHARLES REZNIKOFF / Proses ( Sur les rives de Manhattan - D'abord il y a la nécessité- Le musicien)<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhXoQW4QoMwnp02TgMFDqhJuLEbMrlEc4ORnVWYNCWthV3VuH9HeoEHKFC6BLa3JZtZx6TjGalQfJkjStaY6Z5iqs9WBcMLtZ_31BB43X1Thn8QIlFGvHaPYVJp4j97Hw_sqZX1LEhKiok/s1600/reznikoff.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhXoQW4QoMwnp02TgMFDqhJuLEbMrlEc4ORnVWYNCWthV3VuH9HeoEHKFC6BLa3JZtZx6TjGalQfJkjStaY6Z5iqs9WBcMLtZ_31BB43X1Thn8QIlFGvHaPYVJp4j97Hw_sqZX1LEhKiok/s1600/reznikoff.jpg" height="400" width="298" /></a></div>
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<b><span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;">"D'abord il y a la nécessité ; puis la manière, le nom, la formule."</span></b></div>
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<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;">Phrase manifeste que </span><span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;">maints candidats à l'écriture devraient se rappeler</span><span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;"> et dont la lecture des textes en prose de Charles Reznikoff confirme qu'il s'est soumis à cet ordre <i>inflexiblement</i>...</span></div>
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<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;">Depuis son roman de jeunesse jusqu'au bref et rare commentaire traduit dans la discrète revue "L'Ours blanc" à l'automne dernier - sans doute quelque note préparatoire à une conférence- tout le projet d'écriture du poète américain est contenu dans cette exigence de claire mise en demeure du réel <i>avant</i> que ne s'impose au scripteur un rythme, une <i>phrase</i> musicale agissant, elle, telle une ponctuation / respiration incontournable.</span></div>
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<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;">Largement nourri des souvenirs de la jeunesse de sa mère, le premier roman de Reznikoff, en forme de diptyque, met en lumière dans sa première partie une jeune juive russe obsédée par son désir de fuite en Amérique, dans une famille miséreuse où le respect des codes et principes religieux la gêne systématiquement dans ses projets d'indépendance et son désir de succès. Interdite d'école, d'éducation, cette jeune femme obstinée, habile couturière, se rêve ailleurs, en prenant appui, presque de manière dérisoire, sur les mots du Talmud " Change de lieu, change ta fortune". Là où d'autres personnages autour d'elle ne font que répéter une litanie, pour Sarah Yetta, s</span><span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;">eule à prendre la mesure de ce brouhaha que d'aucuns nomment la modernité,</span><span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;"> le verbe se fera destin.</span></div>
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<span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;"> Lasse de la résistance familiale à tout changement au nom d'un "bon sens" générateur uniquement de décisions à court terme, c'est-à-dire de décisions criminellement obtuses, elle quitte la Russie, puis l'Europe. Comme en passant, Reznikoff lâche un de ces détails, autobiographique, qui bouleversent. Sous l'infime, quasiment un geste fondateur, auquel toute la suite du roman fera la part belle: à la mort du père de sarah Yetta, Ezéchiel, on découvre des papiers, quelques mots griffonnés, disposés de telle façon qu'ils ne sauraient remplir toute la page... Des aphorismes, des vers peut-être... Fragments d'une pensée, d'une vie secrète, à part des membres de sa famille. Une intériorité à jamais envolée, à jamais dissoute. </span></div>
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- Dans un élan d'incompréhension pragmatique, la veuve se saisit des papiers et les brûle. </div>
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A ce geste destructeur, des années plus tard, en plein Brooklyn, le petit-fils d'Ezéchiel, protagoniste flou de la partie américaine du roman, héritier notamment du prénom de son aïeul, répond radicalement. Incapacité profonde à agir, à écrire, à s'inscrire dans un ordre matérialiste; confusion, désordre des sentiments au fil d'une morne histoire amoureuse, faiblesse moribonde devant tout ce qui ressemble à une insertion sociale, constance dans l'observation et dans le non vouloir. Une de ces fuites à côté qui pourrait bien résonner aujourd'hui comme un insigne d'une forme d'intelligence, celle de ne rien vouloir produire, de ne se laisser compromettre en rien. Seulement aspiré, traversé par le expériences, dont aucune ne le touche plus qu'une autre.</div>
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Plus tard, beaucoup plus tard - les années cinquante - "Le musicien" nous baladera aussi, entre New-york et Los Angeles, cette fois. D'une mégapole à l'autre, un curieux duo, improbable et qui ne suscite pas plus d'étonnement que ça se raconte tour à tour.</div>
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<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;">Le narrateur, homme pressé, affairé, retrouve par intermittences, mais de plus en plus fréquemment, un camarade comme jailli de son enfance, un musicien incompris qui survit faiblement de commandes qu'il exécute pour un producteur fatigué. </span><span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;">Sans accorder aucune importance à ce qui lui arrive si ce n'est de fugaces détails lors de soirées mondaines, de vagues rencontres urbaines, minces <i>choses vues</i> d'une vie qui respire au second plan. Sa musique? Il est seul en mesure de la goûter, </span><span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;">de l'apprécier, </span><span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;">quand les autres, alentour, n'(y) entendent rien. Toujours est-il que cette solitude du musicien -Jude- errant, dont les récits décousus, la voix parallèle retranscrite par des italiques sont alors devenus la voix première du roman, cette solitude, on le comprend vite, n'est que le prix payé, le seul acceptable ici-bas, la seule récompensent accordée à celui qui s'est refusé à déserter.</span></div>
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<span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;"> Sans surprise, Jude Dalsimer finit mal. </span></div>
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<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"> Sans domicile, ramassé alors qu'il errait dans central Park puis transporté à hôpital pour une expertise psychiatrique. </span><b style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;">"Deux lignes et demie - pas plus" </b><span style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;">dans un journal quelconque. Sur lui, plus rien. Près de lui, un tas de cendre; tout ce qu'il reste de la musique écrite pendant son existence de misère. Lorsque le narrateur, son seul ami, vient lui rendre visite à l'hôpital, l'autre n'aura que ces mots poignants de qui a sombré dans la déraison: " Si j'étais Jude Dalsimer, quelle belle musique j'écrirais!" </span></div>
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<span style="font-family: Courier New, Courier, monospace;"><b>Charles Reznikoff, Sur les rives de Manhattan, éditions héros-Limite, Avril 2014; </b></span><b style="font-family: 'Courier New', Courier, monospace;">L'ours Blanc, ibid., Automne 2014; Le musicien, P.O.L., 1986.</b></div>
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