"... Otterrnschlag prit les journaux et les cigarettes que le boy lui avait choisis. Il paya, mit la monnaie sur la petite table et non dans la main du chasseur. Il maintenait toujours une certaine distance entre lui et les autres- mais sans qu'il s'en rendît compte. La moitié de bouche qui lui restait intacte esquissa même un vague sourire quand il déplia les journaux et commença de lire; il en attendait quelque chose qui ne viendrait point, pas plus que ne viendrait pour lui ni lettre, ni télégramme, ni message. Il était affreusement seul, vide et retranché de la vie. Il arrivait qu'il se l'avouât tout haut. "Affreux!" se disait-il parfois, arrêtant de marcher sur le tapis rouge framboise et subitement effrayé par cette solitude. "C'est affreux. Pas de vie. Aucune vie. Où donc se cache-t-elle? Il n'y a rien. Il ne se passe rien. Quel ennui! Tout est vieux... mort... c'est affreux." Autour de lui, tout n'était que mirage. Ce qu'il touchait s'évanouissait en poussière. Le monde n'était que matière friable, insaisissable, inconsistante. On tombait de néant en néant; on ne portait que ténèbres au fond de soi."
Trois cents pages pour dire "l'agitation bruyante du siècle", le ballet épuisant des destins catastrophiques d'hommes et de femmes brisés par avance, hoquetant des vies vouées à l'échec, à la trahison. Vicki Baum a écrit là le roman des chambres, des coulisses feutrées d'un palace sis au coeur du Berlin des années de crise, le roman des amours croisées, vénales ou naïves, poignantes et toujours ratées. Tourbillonnant sur fond de jazz ou de danse de salon, de suites présidentielles en chambres minables encaissées au fond d'un corridor, de mystérieux clients, habitués ou inconnus, affluent de part et d'autre de la porte à tambour. Tout près, trop près d'eux chasseurs, femmes de chambre, détective du Grand Hôtel les enveloppent d'une attention à double tranchant. Chacun recèle un secret, un fâcheux non-dit, une autre vie... Chacun lutte férocement , contre lui-même bien souvent, et court à sa perte, de façon attendue et sinistre, n'était la fascination qui se dégage de cette danse macabre, dont l'expressionnisme n'a pas échappé à E.Goulding: Garbo et Crawford tiennent les rôles principaux de l'adaptation cinématographique, excusez du peu...
Vicki Baum, Grand hôtel, Phébus, 1997 (traduction) ; première édition 1929.
Trois cents pages pour dire "l'agitation bruyante du siècle", le ballet épuisant des destins catastrophiques d'hommes et de femmes brisés par avance, hoquetant des vies vouées à l'échec, à la trahison. Vicki Baum a écrit là le roman des chambres, des coulisses feutrées d'un palace sis au coeur du Berlin des années de crise, le roman des amours croisées, vénales ou naïves, poignantes et toujours ratées. Tourbillonnant sur fond de jazz ou de danse de salon, de suites présidentielles en chambres minables encaissées au fond d'un corridor, de mystérieux clients, habitués ou inconnus, affluent de part et d'autre de la porte à tambour. Tout près, trop près d'eux chasseurs, femmes de chambre, détective du Grand Hôtel les enveloppent d'une attention à double tranchant. Chacun recèle un secret, un fâcheux non-dit, une autre vie... Chacun lutte férocement , contre lui-même bien souvent, et court à sa perte, de façon attendue et sinistre, n'était la fascination qui se dégage de cette danse macabre, dont l'expressionnisme n'a pas échappé à E.Goulding: Garbo et Crawford tiennent les rôles principaux de l'adaptation cinématographique, excusez du peu...
Vicki Baum, Grand hôtel, Phébus, 1997 (traduction) ; première édition 1929.
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