" Telle avait été sa jeunesse, la jeunesse qui avait commencé dans le bruit de l'insurrection: bigarrée et désordonnée, souillée et impure, innocente pourtant parce qu'elle aspirait sans cesse à la pureté, la clarté, la lumière. Balançant d'une orientation vers une autre ou bien soudain livrée à toutes dans le chaos, amusante et douloureuse en même temps. C'est ainsi qu'elle avait été, puérile dans sa quête désemparée d'une direction à emprunter-
(...)
Certes, on avait été souvent d'humeur à plaisanter, on avait été étrangement drôle, comme si, ici-bas, il ne s'était jamais rien passé auparavant, comme si l'on avait supposé qu'il ne se passerait jamais rien d'essentiel non plus après- on plaisantait d'une manière radicale et démesurée qui reniait pour ainsi tout sérieux, qui tordait et défigurait le choses les plus dignes, qui jouait à la balle avec les choses les plus graves. On s'abandonnait cependant plus souvent à une tristesse, à une pesante absence d'espoir contre lesquelles il n'y avait plus de possibilité de défense et qui ne signifiaient plus rien, qui n'offraient plus rien que la certitude que tout était passé et que désormais rien ne pouvait plus servir à rien et que la fin était là et que toute cette problématique génération de l'après-guerre n'était née, n'avait été conçue par Dieu que pour servir de cadre au gouffre béant de cette chute - ornement inutile d'une grande ruine, une génération qui n'était plus destinée à vivre."
Klaus Mann, la danse pieuse, Grasset, Paris, 1993.
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