dimanche 30 mars 2014

CLARICE LISPECTOR / Agua Viva


" Je fixe des instants subits qui portent en eux leur propre mort et d'autres naissent - je fixe les instants de métamorphose et c'est d'une terrible beauté, leur séquence et concomitance. 
Maintenant le jour se lève et l'aurore est de brume blanche sur les sables de la plage. Tout est à moi, alors. Je touche à peine aux aliments, je ne veux pas me réveiller du jour. Je vais croissant avec le jour qui, de croître, me tue certain vague espoir et m'oblige à regarder face à face le dur soleil. Le vent souffle et dérange mes papiers. J'entends ce vent de cris, râle d'oiseau ouvert en vol oblique. Et moi ici, je m'oblige à la sévérité d'un langage tendu, je m'oblige à la nudité d'un squelette blanc qui est libre d'humeurs. Mais le squelette est libre de vie, et tant que je vis, je frémis toute. Je n'atteindrai pas la nudité finale. (...)


Arriverai-je à m'abandonner au silence expectant qui suit une question sans réponse? (...)

Ce dont je te parle n'est jamais ce dont je te parle mais autre chose. Capte cette chose qui m'échappe et dont pourtant je vis et je suis à la surface d'une obscurité brillante."

Clarice Lispector, Agua viva, éditions des femmes, 1981.

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