Du recueil en lui-même, j'ai peu à dire... Mais qu'il est bon de retrouver la voix affectueuse et caressante de Colette, entre deux eaux, à la fois amoureuse et amie attentive. Pour cette épistolière rare chaque interlocuteur est prétexte à prendre la maîtrise d'un réel qui lui échappe cruellement ( la grande guerre la laisse esseulée à Paris ) tout en prenant ses distances avec sa propre angoisse, en maintenant le fil d'une conversation, d'un babil, où, sous la légèreté des confidences féminines se devine toujours la tension, l'énergie, l'envie de vivre qui caractérisent, plus que tout autre Colette.
Il s'agit ici, par la virtuosité qui lui est coutumière, de partager, d'opérer une rencontre, un point de contact. Réclamant un service, le plus prosaïque, ou prodiguant ses conseils d'experte es amour, Colette fait la démonstration d'un sens ahurissant de la franchise, de la camaraderie qui existe parfois entre filles - peut-être une fois "évacuées" les questions de séduction et de jalousie. D'un "parler droit" qui n'exclut pas la sophistication de la langue... Bref, une façon rare d'être dans l'écriture et le rapport aux autres.
Plus âgée que celle qu'elle considère tendrement, après l'évanouissement des feux de la passion charnelle, comme une fille aînée, Colette dispense à sa "Musi", telle une mère soucieuse de son bien-être, pendant les cinquante années que dure leur amitié ( jusqu'à sa mort en fait) soutien moral et aide de tout poil, en se montrant plus soucieuse et proche de Musidora qu'elle ne semble jamais l'avoir été de sa propre fille Bel-Gazou, très tôt reléguée "ailleurs".
Entre les deux amies, anciennes amoureuses et encore quelquefois associées, une complicité assortie d'une solidarité réconfortante. En cela héritière du bon sens, du pragmatisme de sa mère, et avant-gardiste spontanée ( Chez Colette, la relation avec les femmes est toujours à privilégier sur celles qu'on entretient avec les hommes, ces créatures faibles, extérieures... quel que soit le degré de passion qu'on leur porte!) elle jongle entre confidences intimes, boutades triviales de collégienne et recherche de solutions pour aider une Musidora moins fortunée qu'elle, avant, bien sûr, qu'elle ne soit révélée par son rôle dans "LesVampires".
Pour autant "Un bien grand amour" se doit d'être prolongé par la lecture des lettres à Marguerite Moreno et à Annie de Pène ( la mère de Germaine de Beaumont) si l'on veut prendre toute la mesure de la capacité à aimer que Colette a manifesté à l'égard d'autres femmes, avec constance et générosité, des mots qui, pour le dire vite, réconfortent...
Colette, Un bien grand amour, Lettres à Musidora, L'Herne, Avril 2014, Paris.
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