"Il faisait chaud, c'était le milieu de l'été. Au fond du jardin, je jouais avec une poupée en l'immergeant dans le bassin aux poissons rouge-argent. Ma mère qui était assise depuis un long temps déjà sous le grand chêne, vint près de moi et me dit: - Elle dort! non, je répliquai: elle est morte! Ma mère s'éloigna d'un pas rapide vers la maison, monta dans ma chambre et ouvrit la seule fenêtre de celle-ci. En s'adressant à moi, elle me fit des signes de sa main droite, quand subitement, sa main devint écarlate et de grosses gouttes de sang allèrent s'aplatir sur les petites pierres blanches qui bordaient la maison.
Une grande peur m'envahit et je fus incapable d'émettre aucun son et de faire un mouvement. Bien qu'horrifiée, je fus distraite par le passage inattendu derrière le chêne de notre unique voisin qui habitait à vingt mètres de la haie du jardin, face l'aile droite de notre maison. Il s'arrêta quand il fut sous la fenêtre d'où ma mère, dans un mouvement toujours plus lent, agitait sa main ensanglantée. Il s'agenouilla sur le gravillon clair, prit un à un, les cailloux tachés et les nettoya avec un petit tissu bleu, avant de les faire disparaître dans sa poche de la veste en velours vert que j'avais toujours connue."
Gina Pane, Lettre à un(e) inconnu(e), ENSBA, 2003, Paris.
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