"Il y eut cet étrange été. Les journaux en parleraient plus tard comme de "l'été du siècle", pourtant d'autres étés lui succèderaient qui le surpasseraient encore (...). De cela nous ne savions rien. Ce que nous savions, c'est que nous voulions être ensemble. Il nous arrivait de nous demander quel souvenir nous garderions de ces années, ce que nous pourrions en dire à nous-mêmes et à d'autres. Mais jamais nous n'avons réellement cru que notre temps était compté. Maintenant que tout est fini, cette question-là aussi a trouvé sa réponse. Maintenant que Luisa est partie, que Bella nous a quittés pour toujours, que Steffie est morte, que les maisons sont détruites, le souvenir a repris le dessus sur la vie.
Le destin ne l'a pas voulu.
En ce temps-là - c'est ainsi que nous en parlons aujourd'hui - nous avons pleinement vécu. Lorsque nous nous demandons pourquoi cet été, dans notre souvenir, apparaît unique, et sans fin, il nous est difficile de trouver le ton neutre qui seul convient face aux phénomènes singuliers auxquels la vie nous expose. Le plus souvent, lorsque nous venons à parler de cet été entre nous, nous faisons comme si nous avions eu prise sur lui. A dire vrai, c'est lui qui avait prise sur nous et fit de nous ce qu'il voulait. Aujourd'hui où il est établi que les miracles ont une fin, où s'est dissipée la magie qui nous retenait les uns auprès des autres et nous maintenait en vie - une phrase, une formule, une croyance qui nous liaient, et dont la disparition nous métamorphosa en êtres isolés, libres de rester ou de partir: aujourd'hui, semble-t-il, nous ne connaissons désir plus fort, plus douloureux, que celui de conserver vivants en nous les jours et les nuits de cet été-là."
Christa Wolf, Scènes d'été, Stock, Bibliothèque Cosmopolite, mars 1995.
Photographie: Christa W. et ses filles, circa 1970.
Le destin ne l'a pas voulu.
En ce temps-là - c'est ainsi que nous en parlons aujourd'hui - nous avons pleinement vécu. Lorsque nous nous demandons pourquoi cet été, dans notre souvenir, apparaît unique, et sans fin, il nous est difficile de trouver le ton neutre qui seul convient face aux phénomènes singuliers auxquels la vie nous expose. Le plus souvent, lorsque nous venons à parler de cet été entre nous, nous faisons comme si nous avions eu prise sur lui. A dire vrai, c'est lui qui avait prise sur nous et fit de nous ce qu'il voulait. Aujourd'hui où il est établi que les miracles ont une fin, où s'est dissipée la magie qui nous retenait les uns auprès des autres et nous maintenait en vie - une phrase, une formule, une croyance qui nous liaient, et dont la disparition nous métamorphosa en êtres isolés, libres de rester ou de partir: aujourd'hui, semble-t-il, nous ne connaissons désir plus fort, plus douloureux, que celui de conserver vivants en nous les jours et les nuits de cet été-là."
Christa Wolf, Scènes d'été, Stock, Bibliothèque Cosmopolite, mars 1995.
Photographie: Christa W. et ses filles, circa 1970.
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