"La feuille de papier pour moi c'est peut-être le corps des autres.
(...)Pour moi, écrire, c'est bien avoir affaire à la mort des autres, mais c'est essentiellement avoir affaire aux autres en tant qu'ils sont déjà morts. Je parle en quelque sorte sur le cadavre des autres.
Je dois l'avouer, je postule un peu leur mort. Parlant d'eux, je suis dans la situation de l'anatomiste qui fait une autopsie. Avec mon écriture, je parcours le corps des autres, je l'incise, je lève les téguments et les peaux, j'essaie de découvrir les organes et, mettant à jour les organes, de faire apparaître enfin ce foyer de lésion, ce foyer de mal, ce quelque chose qui a caractérisé leur vie, leur pensée et qui, dans sa négativité, a organisé finalement tout ce qu'ils ont été. Ce coeur vénéneux des choses et des hommes, voilà au fond ce que j'ai toujours essayé de mettre à jour.
Michel Foucault, Le beau danger, éditions EHESS, pages 36-37.
Photographie: Keizo Kitajima
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