"Erlene se trouve dans la pièce voisine. Telle une aveugle, elle est environnée d'obscurité. J'ai pris l'habitude de prêter une oreille attentive à son silence, enchâssée au sein du volume sonore des ténèbres, du gong de la lumière du jour, du craquement et de l'affaissement des meubles, de la tonalité blanche, grave et constante des fenêtres, du frémissement inoculant des rideaux, des profonds soupirs des lits qui grincent et souffrent sous la tension et l'agitation des corps humains. Tous les sons ont été amplifiés depuis que ma fille a perdu l'usage de la parole; pourtant, si je savais que ses premier mots seraient destinés à me juger, je la tuerais, j'irais à l'instant même dans la petite pièce où elle se trouve seule dans l'obscurité, et je la tuerais - et elle serait incapable d'appeler à l'aide."
Janet Frame, Le jardin aveugle, traduction Dominique Mainard, Editions Joelle Losfeld, 1998.
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