Au départ ce post devait constituer une proposition de lectures à emporter dans les valises d'été, avec la double promesse de ne pas alourdir lesdites valises et de savourer quelques pages inoubliables, sur le principe qu'un grand livre n'est pas forcément un gros livre...Le temps a passé et voici que le hasard de vacances , automnales cette fois, m'a fait redécouvrir quelques textes. Souvent peu chers, accessibles, peu cités ici ou là, pour tous ceux qui aiment être mis à l'épreuve d'une histoire, d'une écriture ou d'une voix. Pour vous et pour d'autres autour de vous, sur la foi de quelques pages/ lignes, voici les premiers...
Vladimir Nabokov, Bruits. (Editions 1001 nuits)
Il est des phrases en musique et en mots, qui semblent nous effleurer et laissent au contraire une empreinte tenace. Lâchées dans un texte frémissant comme une aile de papillon, auquel, aussitôt lu, on retourne, quelques unes d'entre ces phrases sont dans cette nouvelle de 1912, longtemps inédite dans sa forme originale, intitulée Zvouki. Nabokov y réenchante un temps d'avant la révolution, au coeur d'un domaine russe, entre une aristocrate distante et un vieux moujik frustre...
"Chaque silence contient la promesse d'un secret. A beaucoup tu semblais secrète..."
Varlam Chalamov, Mes bibliothèques. (Editions Interférences)
Sur l'amour des livres, l'organisation d'une bibliothèque, peu de textes peuvent rivaliser avec le petit opus de Walter Benjamin; mais voilà, Chalamov a arraché chaque page qu'il a écrite à la terreur. Relégué dix-sept ans en Sibérie, l'auteur des récits de la Kolyma (le livre que je ne supporte pas d'offrir sans qu'il ne soit lu immédiatement. Ce que Chalamov a souffert d'un joug terrible, il faut le lire ou le laisser à d'autres.) fait l'aveu extrême de la nécessité des livres, salvatrice et douloureuse: "Je regrette de ne jamais avoir possédé ma propre bibliothèque".
Rosa Luxemburg, Lettres de prison. (éditions Berg international)
Les lettres données à lire dans ce petit volume sont toutes adressées à Sophie Liebknecht, épouse de Karl, l'autre fondateur de la ligue spartakiste. Toutes sont rédigées en prison et la dernière précède de trois mois seulement l'assassinat de Rosa Luxemburg en janvier 1919. Même si son engagement dans les luttes ouvrières et révolutionnaires affleure régulièrement, il n' est pas l'élément le plus remarquable de ces textes. Celle qu'on découvre ici est une femme pleine de curiosité, lectrice éclairée de Loti ou Hölderlin, amoureuse des bêtes, des paysages; une femme qui s'applique, malgré l'enfermement et la surveillance de ses geôliers, à dominer angoisse et désespoir en gardant intacte sa capacité à compatir et à aimer. Pourtant...
"Mon équilibre intérieur et ma joie de vivre sont malheureusement à la merci de la plus petite ombre qui passe, et j'éprouve alors des souffrances indicibles. Dans ces cas-là, ma réaction est simplement de me taire. Sans mentir, Sonitschka, je ne peux plus articuler un seul mot."
Dostoïevski, Une femme douce. (éditions Ombres)
On pourra m'opposer que Dostoïevski tient tout entier dans ses grands romans, trois d'entre eux au moins et que le film de Bresson, la tristesse lumineuse de Dominique Sanda, ont en quelque sorte recouvert ce texte. C'est pourtant un rare exemple d'hystérie masculine qui mérite attention! Odieux, égocentrique, manipulateur, le narrateur tente de façon pitoyable et finalement répugnante de se défaire de sa responsabilité dans le suicide de sa jeune épouse; mais le cadavre étendu sur la table veille à sa façon, et étend son ombre accablante sur cette sinistre logorrhée.
Il est des phrases en musique et en mots, qui semblent nous effleurer et laissent au contraire une empreinte tenace. Lâchées dans un texte frémissant comme une aile de papillon, auquel, aussitôt lu, on retourne, quelques unes d'entre ces phrases sont dans cette nouvelle de 1912, longtemps inédite dans sa forme originale, intitulée Zvouki. Nabokov y réenchante un temps d'avant la révolution, au coeur d'un domaine russe, entre une aristocrate distante et un vieux moujik frustre...
"Chaque silence contient la promesse d'un secret. A beaucoup tu semblais secrète..."
Varlam Chalamov, Mes bibliothèques. (Editions Interférences)
Sur l'amour des livres, l'organisation d'une bibliothèque, peu de textes peuvent rivaliser avec le petit opus de Walter Benjamin; mais voilà, Chalamov a arraché chaque page qu'il a écrite à la terreur. Relégué dix-sept ans en Sibérie, l'auteur des récits de la Kolyma (le livre que je ne supporte pas d'offrir sans qu'il ne soit lu immédiatement. Ce que Chalamov a souffert d'un joug terrible, il faut le lire ou le laisser à d'autres.) fait l'aveu extrême de la nécessité des livres, salvatrice et douloureuse: "Je regrette de ne jamais avoir possédé ma propre bibliothèque".
Rosa Luxemburg, Lettres de prison. (éditions Berg international)
Les lettres données à lire dans ce petit volume sont toutes adressées à Sophie Liebknecht, épouse de Karl, l'autre fondateur de la ligue spartakiste. Toutes sont rédigées en prison et la dernière précède de trois mois seulement l'assassinat de Rosa Luxemburg en janvier 1919. Même si son engagement dans les luttes ouvrières et révolutionnaires affleure régulièrement, il n' est pas l'élément le plus remarquable de ces textes. Celle qu'on découvre ici est une femme pleine de curiosité, lectrice éclairée de Loti ou Hölderlin, amoureuse des bêtes, des paysages; une femme qui s'applique, malgré l'enfermement et la surveillance de ses geôliers, à dominer angoisse et désespoir en gardant intacte sa capacité à compatir et à aimer. Pourtant...
"Mon équilibre intérieur et ma joie de vivre sont malheureusement à la merci de la plus petite ombre qui passe, et j'éprouve alors des souffrances indicibles. Dans ces cas-là, ma réaction est simplement de me taire. Sans mentir, Sonitschka, je ne peux plus articuler un seul mot."
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